Brise de mère, un livre grave non dépourvu d’humour

Une femme dans le siècle. Une mère. Alain Dantinne nous raconte l’itinéraire d’une femme ordinaire, née à la fin de la première guerre mondiale, qui se marie pendant la seconde et traverse les trente glorieuses dans l’ombre de son mari, elle élève ses quatre enfants sans espoir de reconnaissance, parce que c’est son devoir, rien que son devoir. Le quotidien de toute une génération qui précéda la généralisation du travail des femmes et donc l’émancipation financière des épouses, des femmes attachées à leur foyer qui regardèrent avec un petit goût d’amertume mai 68 et les mouvements de libération qui s’en suivirent. Mais cette mère possède son franc parler. Sa révolte, à défaut de pouvoir l’intellectualiser, elle la transmet par des imprécations sarcastiques, au moyen de formules lapidaires. Ce qui provoque quelques scènes cocasses. Elle projette ses espoirs sur son fils cadet, elle s’attache maladivement à cet enfant jusqu’aux premiers soubresauts de son adolescence qui feront voler en éclats un fragile équilibre.

Tristesse des soirs d’automne, jalousie d’être née trop tôt dans le siècle et de ne pouvoir s’émanciper d’un machisme ordinaire, d’un patriarcat qui ne se remet jamais en question. Sentiments contradictoires, de révolte instinctive et d’attachement viscéral, de la part d’un fils pour celle qui, dans sa vieillesse, est devenue si fragile, si vulnérable. Il l’accompagne jusqu’aux portes de la mort. Un livre grave mais non dépourvu d’humour, un roman qui témoigne de la société dans la seconde moitié du vingtième siècle et se veut une réflexion sur l’autonomie des individus comme condition nécessaire du bonheur.

Alain Dantinne nous livre ici un récit intimiste qui se situe dans la lignée de son Journal d’un incapable, où il narrait les retrouvailles d’un fils avec son père. C’est déjà le quinzième ouvrage de cet écrivain. Il est l’auteur de poèmes, de carnets de voyage et d’aphorismes impertinents. Il a osé un pastiche grinçant, Hygiène de l’intestin (Labor), a commis un Petit catéchisme à l’usage des désenchantés (chez “Finitude” à Bordeaux). En 2016, un recueil de poèmes, Précis d’incertitude, est sorti aux éditions “L’Herbe qui tremble” (Paris) et des aphorismes, Petit traité de savoir vivre en zone tempérée, ont paru chez “Voix d’encre” (Montélimar).

Il vit dans le Namurois et fut longtemps professeur de lettres et de philosophie. Il anime aujourd’hui des ateliers philo pour adolescents. Brise de mère est son second volume dans la collection « Plumes du coq », l’éditeur avait publié en 2014 son roman La Promesse d’Almache.

« Brise de mère » de Alain Dantinne est disponible en librairies et sur notre e-shop au prix de 14 €. (https://www.weyrich-edition.be/litterature/plumes-du-coq/brise-de-mere)

Crédit photo : Alain Dantinne (à g.), aux côtés de Olivier Weyrich et Line Alexandre.