Guerre, poésie, mort et humour
C’est le quarté de Xavier Hanotte. Et tout ramène, parfois par des procédés du fantastique, du réalisme magique, à un devoir de mémoire.
Xavier Hanotte est belge. Même si on ignorait son CV, on l’aurait compris : sa prose est tellement enrichie de poésie, de fantastique et d’humour qu’elle ne peut qu’être belge. À la manière des Jean Ray, Michel de Ghelderode, Thomas Owen, Franz Hellens, dont Xavier Hanotte est le continuateur habile et profond. Avec le goût de la poésie, et celle de guerre particulièrement. Il a traduit les vers de Wilfred Owens, le poète des tranchées, abattu le 4 novembre 1918, à 24 ans. Il se passionne aussi pour Keith Douglas, un autre poète anglais, mort lui le 9 juin 1944 à côté de son char Sherman, en Normandie, à 24 ans aussi. Et ces deux poètes irriguent son œuvre.
Wilfred Owen est devenu un véritable personnage dans les romans et les nouvelles de Xavier Hanotte. D’autant que l’inspecteur de la police judiciaire, Barthélémy Dussert, qu’il a créé dès son premier roman, Manière noire, est un traducteur du poète anglais. Et que ses aventures sont ornées de façon pertinente de citations de vers de l’Anglais.
Keith Douglas est aussi devenu un personnage à part entière de l’écrivain belge. Il est au centre du Feu des lucioles. Le héros, Frédéric Dutrieux, fait son mémoire sur le poète de la Seconde Guerre mondiale. Et dans ce roman aussi, la poésie de Douglas imprègne le roman. Surtout le vers : « Souvenez-vous de moi quand je serai mort / et simplifiez-moi quand je serai mort. » Douglas sent sa mort prochaine. Il avait d’ailleurs écrit :
« Ce jour-là, il touche mon char et ce fut / comme l’entrée d’un démon. »
C’est évidemment dramatique. La mort est au centre du roman. Mais la poésie de Douglas est simple, naturelle, légère. Et l’écriture de Xavier Hanotte l’est également, et teintée d’une ironie souriante. Dans le même roman, le Belge Frédéric Dutrieux fait son service militaire (on est dans les années 1980) et c’est une charge hilarante contre le système. Mais il se retrouve aussi, par une contorsion du temps, en 1944 en Normandie, où il tente de retrouver la tombe de Douglas. Hanotte mêle judicieusement les styles, les ambiances et les époques. N’hésitant jamais à défier les lois de la physique, ni à embrasser ce réalisme magique cher à André Delvaux. Car ce qui compte, chez Hanotte, c’est le devoir de mémoire. Vis-à-vis des héros de la Première Guerre mondiale dans une grande partie de ses écrits, de ceux de la Seconde dans ce Feu des lucioles. Et les citations fréquentes des poésies de Douglas comme d’Owen ne sont pas des illustrations pour faire joli : elles marquent profondément le lecteur et le renvoient à l’Histoire.
Le feu des Lucioles est un grand roman empli de poésie, de mort, d’amour, de fantastique et d’humour. Un parfum de braise est une enquête que Dussert mène à petits pas, et le fantastique y est bien entendu présent, comme la relativité des points de vue. Mais ce qui caractérise aussi Xavier Hanotte, c’est l’intertextualité. Il tisse des liens entre ses écrits. Dussert est cité comme traducteur d’Owen dans Le feu des lucioles, et Dussert cite souvent Douglas dans Un parfum de braise. Chez Hanotte, tout est dans tout. Ce qui montre le dessein d’un écrivain complet.
Un article signé Jean-Claude Vantroyen pour le journal Le Soir, 20/04/2024.
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