Caroline Lamarche a lu et aimé « La confiture de morts »

L’écrivaine Caroline Lamarche a lu, et aimé, La confiture de morts, le roman de Catherine Barreau, qui a obtenu le prix Rossel 2020. Elle nous fait la joie de le chroniquer pour les lectrices d’axelle.

« J’avais quinze ans, un petit déjeuner entamé, Faulkner sur la table. »

C’est une écriture vive, inventive, qui tisse tous les étages d’une existence : l’énergie de l’adolescence, le concret du quotidien – cette fameuse « confiture de morts » faite avec les fruits du cimetière –, l’amour de la littérature. Un roman ambitieux qui croise les registres de la description, du dialogue, du monologue intérieur comme en se jouant. Une histoire à suspense, un tourne-page souvent enchanteur, amusant, bouleversant, parfois sombrement troublant, voire cru. Et des personnages attachants, à commencer par Véra, la narratrice, Renaud, son père, mais aussi la famille Hoxha, arrivée de Macédoine, Gjin, tendre forban, Mads, l’agronome danois, attentif et protecteur. L’amour, donc. Mais aussi et surtout « une promesse à tenir », pour laquelle il faut quitter la maison au pied de la citadelle de Namur pour se rendre à Mortepire, le hameau de l’enfance, où dort un terrible secret de famille. Une sortie cruelle de l’innocence, un parcours d’émancipation, une saga initiatique qui déploient, de page en page, les ressources d’une écriture aussi multiple qu’un couteau suisse. La jeune Véra, tantôt coupante comme de l’obsidienne, tantôt fragile, toujours combative, nous entraîne sur la piste du secret de ses origines avec une intelligence qui a conquis le jury du prix Rossel autant que les médias : « Un sens du rendu très sensuel, chatoyant, tendu, qui nous fait voir le réel sans perdre en mystère » (Sophie Creuz, RTBF). « Rebelle, culottée, étonnante » (Jacques Dubois pour Diacritik).

Le récit, direct, délié, vif, pourrait séduire les lycéen·nes comme les lecteurs et lectrices adultes. Pourtant il semblerait que les maisons d’édition françaises soient passées à côté, privilégiant des projets plus calibrés et des intrigues hexagonales parfois ouvertement teintées d’écologisme. Catherine Barreau, elle, fait respirer la forêt par tous les pores de la narration, peu importe qu’elle soit d’Ardennes, de Gaume ou d’ailleurs, la voilà mythifiée par une plume frémissante. Quant au dénouement de l’histoire, il s’emballe au fil des pages d’un carnet secret tenu par l’oncle de Véra, des pages lourdes de révélations inavouables, un vrai micmac macabre. De quoi décider la jeune fille à tourner résolument le dos à sa famille pour partir avec Mads à Genève.

C’est Olivier Weyrich, éditeur de beaux livres (patrimoine, nature, Histoire) dont la collection de romans belges recèle quelques titres attachants sur l’enfance (on pense à L’enfance unique de Frédéric Saenen, Onnuzel de Thierry Robberecht ou encore Ceux que nous sommes de Christine Van Acker), qui a publié cette autrice surprenante, étrangère au désir de plaire mais non au plaisir de raconter. Et qui, par là, nous plaît beaucoup.

Caroline Lamarche pour Axelle, mars 2021

« La Confiture de morts » de Catherine Barreau, est disponible en librairie et sur notre e-shop :

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