Claudine Brasseur et le rôle du jardin extraordinaire
À l’occasion des 50 ans du Jardin Extraordinaire, Claudine Brasseur publie un livre compilant les témoignages de 50 personnalités qui ont participé à l’émission. Comment l’émission a-t-elle influencé le téléspectateur ?
J’ai toujours souhaité que nos reportages informent les téléspectateurs, leur fassent découvrir des pays, des animaux (notamment ceux qui ne sont pas les vedettes, ou dont on a peur…), des petits coins « ordinaires » aussi qui ont un rôle dans le maintien de la biodiversité chez nous, fût-ce modestement.
J’ai cru que nous pouvions jouer ce rôle de « veilleurs d’alerte », et parfois je me suis dit que ça marchait… Mais j’ai appris à relativiser !
Nous avons notre petite pierre à apporter à une mobilisation générale, mais c’est loin d’être suffisant. Je ne crois plus trop aux slogans du genre « il faut montrer, pour connaître, et quand on connaît on aime et alors on protège ».
Si c’était le cas, notre planète nature n’en serait pas là !
Mais en même temps, à notre tout petit niveau, j’ai parfois eu des témoignages qui m’encourageaient à poursuivre. Nous avons filmé la cruauté avec laquelle on traite les grenouilles pour se régaler de leurs cuisses à l’ail, et certains restaurants ont affiché « ici on ne sert pas de cuisses de grenouilles »…
Des téléspectateurs nous écrivaient pour dire qu’ils ne mangeaient plus ceci ou cela, ou n’utilisaient plus de produits dangereux, ou qu’ils avaient aménagé un coin sauvage dans leur jardin, suite à un reportage. Des jeunes me disaient avoir choisi des études de garde-forestier, ingénieur agronome ou biologiste grâce au JE, ou qu’ils avaient décidé de suivre des cours de guide-nature…
Pas plus tard que cette semaine, un jeune homme m’a dit avoir contacté l’association « Jeunes & Nature » suite à une séquence au Jardin… Il en est le responsable aujourd’hui !
Comme le Petit Poucet, le Jardin a semé de minuscules cailloux… la plupart se sont mêlés à la poussière du chemin, d’autres ont été ramassés, et se sont métamorphosés en fleurs sauvages à semer autour de soi… Mais les enjeux d’aujourd’hui, non pour la planète, mais pour l’espèce humaine sont si cruciaux, les problèmes que cette espèce prédatrice a engendrés sont si gigantesques, qu’il faudra bien plus qu’une émission nature pour permettre à nos petits-enfants d’aller admirer des tritons dans une mare, cueillir des myrtilles dans les bois, ou pouvoir observer les isards à la montagne…