LE DERNIER SAUT raconte l’opération Stösser : les paras allemands en échec

Habitués à travailler en équipe depuis des années, Hugues Wenkin et Christian Dujardin forment un duo hors du commun. Pour établir les faits, ces deux enquêteurs aussi sceptiques que passionnés mettent un point d’honneur à repartir des documents d’archives qu’ils confrontent à la lumière de retours sur les lieux des combats. Leurs conclusions surprenantes dans leurs études consacrées à la bataille des Ardennes ont fait d’eux des analystes reconnus dans le petit monde des historiens militaires.

Christian Dujardin, vous signez avec Hugues Wenkin un ouvrage étonnant par son volume, celui-ci compte plus de deux cents pages. Comment fait-on pour développer un sujet comme celui de l’opération Stösser alors que l’on ne trouve qu’une ou deux pages dans les livres d’histoire militaire les mieux documentés ?
Au départ, le sujet m’intéressait à titre personnel pour deux raisons : la première était que le sujet était relativement occulté par les historiens américains. N’oublions pas que ce sont eux qui ont écrit la Bataille des Ardennes. Il n’existait aucun livre ne traitant de ce fait d’armes, ni en anglais ni en allemand, encore moins en français. Pourtant, les parachutistes, qu’ils soient vainqueurs ou vaincus, font les choux gras de la propagande et engendrent une littérature abondante. Deuxièmement, l’action de von der Heydte avait obligé l’Oncle Sam à détourner de nombreuses forces pour la chasse aux paras, des unités qui auraient été bien plus utiles sur d’autres parties du front. Ces deux raisons ont piqué au vif ma curiosité.J’ai creusé dans notre documentation et découvert un tas d’éléments jamais parus et passionnants. J’en ai parlé à Hugues Wenkin, son scepticisme premier d’écrire un ouvrage sur le sujet s’est dissipé au fur et à mesure des révélations que je lui ai faites. De plus, soulignons qu’entre la victoire éclatante des paras sur le fort d’Ében-Émael à la raclée subie dans les Fagnes, il y a eu beaucoup du chemin parcouru.


• Parlez-nous de Stösser.
Le projet de l’opération Stösser qui impliquait la Luftwaffe est le dernier saut des Fallschirmjäger de la Seconde Guerre mondiale. Hitler a accepté ce projet avec enthousiasme, alors qu’il avait interdit toute mission aéroportée depuis la victoire trop chèrement acquise sur la Crète. Exception faite du coup de main pour capturer Tito à Dvar en mai 1944, qui fut également un échec cuisant. Le saut des paras de von der Heydte devait empêcher que des renforts ne prennent de flanc et ne coupent de leurs lignes logistiques les 5. & 6.Panzer Armee.


• Quand les Américains ont ratissé la région, ils ont fait quelques prisonniers, ont rapporté quelques parachutistes et… des mannequins. Pour quelle raison l’armée du IIIe Reich avait-elle besoin de simuler ?
Von der Heydte avait prévu le largage de mannequins pour accroître la confusion et détourner des troupes US vers la région d’Aywaille – Spa. L’administration vétilleuse aux mains de nombreuses baronnies propres au régime nazi est tellement lente que les mannequins n’arriveront pas à temps pour l’opération. Rappelons-nous que le subterfuge des mannequins parachutistes avait déjà été employé en mai 1940 par les Allemands pour la capture des ponts sur le canal Albert. Cette ruse a été également employée par les Alliés en juin 1944 lors de l’invasion du continent.


• Au début d’une attaque parachutiste, il est très difficile pour le défenseur de comprendre la mission réelle des aéroportés et de mesurer leurs effectifs, écrivez-vous dans votre ouvrage. Dans le cas de cette offensive, combien de temps après le parachutage les Américains comprennent-ils ce qui se passe ?
En fait, l’État-Major est rapidement au courant de ce qui se passe en interrogeant des prisonniers loquaces, mais le ver est dans le fruit. La psychose des parachutistes perdurera plusieurs semaines. Des parachutistes allemands sont signalés plusieurs jours après le saut du 17 décembre, ce qui tient en éveil les GI’s.


• Outre ce que révèle l’opération Stösser sur l’état de désorganisation de l’armée allemande, elle apporte aussi un éclairage certain sur la désorganisation du dispositif américain. L’impact réel causé par cette poignée de paras allemands a été longtemps caché. Pour quelles raisons ?
En tactique de guerre, il y a deux directives pour contrer une intrusion parachutiste derrière la ligne de front. La première : garantir les lignes de logistique vers le front. La deuxième : annihiler les intrus. Sous le couvert d’une apparente désorganisation, les Américains réagissent correctement, ils y mettent le prix fort en envoyant de nombreuses troupes pour écarter tout danger dans leurs lignes arrière.


• Quelles ont été les conséquences directes de cette offensive sur l’organisation des troupes américaines ?
Les troupes chargées de protéger les arrières et de réduire la menace parachutiste sont nombreuses et auraient été bien plus utiles en première ligne. Par exemple, le Combat Command B de la 3rd Armored de Maurice Rose est en train de livrer des combats violents contre la Kamfpgruppe Peiper dans la vallée de l’Amblève, tandis son Combat Command R se démène pour bloquer la 116. Panzer Division et la 560. Volksgrenadier. Son Combat Command R est l’arme au pied dans les environs d’Eupen, alors que le Combat Command R risque de lâcher prise face aux coups de boutoir des assaillants.


• Une autre difficulté que vous avez surmontée est l’illustration de votre sujet. L’opération Stösser est visiblement peu documentée, comment avez-vous travaillé pour enrichir votre ouvrage d’aussi nombreuses photos ?
Nous avons tous deux une excellente et abondante documentation de documents écrits et photos, fruit de longues recherches et nombreux déplacements, notamment à l’étranger.

A découvrir : Le dernier saut, Christian Dujardin et Hugues Wenkin chez Weyrich éd., format : 19 x 27 cm, 208 pages, couverture cartonnée, PV 35 €

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