Pourquoi la légende de Bastogne ?

Les Belges qui voyagent de nos jours à travers les États-Unis en font souvent la surprenante expérience : beaucoup d’Américains ne connaissent guère du pays de Jacques Brel et de Toots Thielemans qu’un seul nom de ville, Bastogne. […]

Cette notoriété privilégiée, cette gloire américaine, la petite ville ardennaise la doit aux 18 000 GI’s qui la protégèrent contre l’envahisseur hitlérien lors du siège mémorable de décembre 1944, en pleine Bataille des Ardennes, The Battle of the Bulge comme on dit là-bas. Les défenseurs de Bastogne et leur commandant McAuliffe, l’homme du Nuts !, ont été accueillis dans le Panthéon patriotique des États-Unis. […]

 

L’armée et la presse américaine, créatrices de la légende
C’est la presse américaine (écrite, parlée et filmée) qui, dès décembre 1944, portée par cette idéologie, fut la première à écrire le grand récit légendaire et mythique de la bataille de Bastogne. Pourquoi ? Et avec quels mots, avec quelles images ? Comment obtenait-elle ses informations ? Dans quelle mesure l’autorité militaire a-t-elle influencé la rédaction de ce récit médiatique ?
La première partie de ce livre tente de répondre à ces questions. […]

 

De la légende au mythe
[…] La légende fit de Bastogne le symbole de la résistance américaine en Ardenne. Et de la légende − simple amplification épique d’un fait d’armes−, on passa au mythe. Il se forgera non pas un récit imaginaire, mais une représentation idéalisée de la bataille mettant en jeu les valeurs fondatrices des États-Unis. Très vite, le défenseur de Bastogne fut élevé au rang de héros-type de l’histoire et de la démocratie américaines.
La deuxième partie du livre nous montre journalistes, reporters et cinéastes écrivant un véritable feuilleton à suspense où les modestes GI’s, citoyens soldats, font échouer, dit-on, l’Offensive Von Rundstedt. […]

 

Le Roman national
Les États-Unis, à tort ou à raison, se perçoivent comme une démocratie en armes investie d’une mission universaliste : lorsqu’ils doivent faire face à une crise majeure internationale et mobiliser leur opinion pour un nouveau combat, ils en appellent régulièrement au souvenir et à l’exemple des “hommes de Bastogne”, référence suprême du patriotisme et de l’héroïsme américains.
La saga mythique des défenseurs de Bastogne, réceptacle des grands idéaux collectifs des États-Unis, semble indestructible. Steven Spielberg la reprend à son compte en 2001, dans la série télévisée Band of Brothers. Les Présidents des États-Unis y font référence pendant la crise de Berlin, pendant la guerre du Vietnam, devant les vétérans de l’Irak et de l’Afghanistan. Bastogne appartient désormais au patrimoine symbolique de la nation américaine, au même titre que les batailles mémorables livrées “afin que la nation renaisse à la libertéė et afin que le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, ne soit pas effacé de cette terre.”

Bastogne la légendeLes combattants de décembre 1944, humbles héros, simples soldats, sont entrés définitivement dans le grand “roman national”. Et lorsque les ethnologues prient leurs compatriotes euro-américains d’établir une liste des lieux géographiques “les plus sacrés” à leurs yeux, ils obtiennent un surprenant hit-parade 1.2 : Bastogne, le champ de bataille de Gettysburg, le Golgotha et Rome.
La troisième partie de ce livre montre la place occupée par le mythe de Bastogne dans la conscience civique et la culture populaire outre-Atlantique, de 1945 à nos jours.

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