Vivre l’invivable : la voie d’un enfant malade

Un peu avant de partir, Hugo avait écrit qu’il aurait aimé découvrir le monde. Mais, aujourd’hui plus que jamais, c’est le monde qui aurait bien besoin de le découvrir. Avec ce petit paquet bien enrobé de code génétique qui court sans s’arrêter à travers la planète et qui nous ramène tous sans distinction à la case « vulnérable », l’histoire de Hugo et celles d’autres enfants malades est plus que jamais inspirante.

La maladie de Hugo consistait en un dysfonctionnement de ses propres cellules du tronc cérébral : elles se répliquaient anarchiquement. La « statistique » de survie de sa maladie est de 0%. Sans virgule. Le paradoxe d’une statistique parfaitement déterministe. Le COVID-19 provoque un dysfonctionnement de nos cellules en les piratant afin de se répliquer anarchiquement. La statistique de survie de ce virus est autour de 95%, estime-t-on, mais lui, il est contagieux et se répand frénétiquement.

Hugo faisait partie de ces personnes vulnérables qu’il faut protéger et que certains veulent sacrifier à l’immunité collective. Et pourtant, il n’y a guère que son corps qui était vulnérable : Hugo disait qu’il était peut-être malade mais qu’il n’était pas malheureux. Il a eu le courage de vivre malgré la maladie, et même de grandir, au-delà de ses parents.

Je n’aurais pas pu imaginer que raconter son histoire devienne ainsi cruellement criant d’actualité. Que le drame de voir un parent ou un ami et – plus inimaginable, plus intolérable encore – un enfant emporté par la maladie toucherait douloureusement autant de familles. Si je témoigne, c’est parce que je pense que la voie de Hugo pourrait aider à apporter de la lumière si l’obscurité venait à poindre. Combattre un ennemi invisible et implacable tout simplement en continuant à grandir et à briller. C’est ça, le courage impressionnant de ces enfants malades comme Hugo, c’est le cadeau qu’ils nous offrent au quotidien. Leur façon de vivre la vulnérabilité est une force précieuse qui doit nous inspirer.

Pour ceux qui se pensent invulnérables, il est commode d’opposer les « faibles » aux « forts », les morts aux survivants, dans une lecture pervertie de la sélection naturelle, une vision erronée aux conséquences terribles. Mais notre évolution d’humain se fait surtout par l’entraide, c’est par la faiblesse que nous grandissons. Cette fragilité, elle est d’abord dans notre regard. Parce que les enfants malades comme Hugo sont bien au-dessus de leurs dysfonctionnements cellulaires sur lesquels nous nous arrêtons. Ils vivent avec une telle intensité, que la faiblesse que nous croyons voir chez eux est surtout le reflet de la nôtre.

Dramatiquement, il aura suffi d’un petit paquet bien enrobé de code génétique pour nous rappeler que la vie peut être plus courte que ce que nous exigeons dans notre civilisation du confort et de la performance. Que notre inconduite peut avoir des conséquences tragiques. Que le meilleur se révèle en temps de crise. Que le personnel soignant est un puits d’humanité. Que notre force nous provient surtout de notre capacité à protéger les plus faibles et pas de la facilité d’abandonner lâchement ceux qui ont contribué à nous faire grandir, quel que soit leur âge.

Et voilà qu’aujourd’hui cette maladie nous rappelle douloureusement ce que toute la sophistication de nos outils, de nos lois et de notre bêtise nous ont fait oublier. Une vérité toute simple, que les immensités désertiques de l’Univers nous rappellent pourtant chaque jour. Vivre, ce n’est pas combattre. Mais combattre, c’est vivre.

André Füzfa, papa de Hugo, un invincible cœur vaillant qui aura toujours 11 ans.

Publié dans « Le Courrier des lecteurs », La Libre, 7/4/2020

 

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