Visionnaire le nouveau roman de Geoffrey Van Hecke ?

André Füzfa est docteur en physique, chargé de cours à l’Université de Namur, mathématicien et astrophysicien.Il enseigne notamment la cosmologie et la gravitation relativiste. Chercheur et écrivain, il vient de terminer la lecture du dernier roman de Geoffrey Van Hecke. L’Equation 37 est un roman « actuel et pertinent, en grande partie visionnaire » selon lui ! Voilà donc ce qu’il en dit :

« S’il est bien un adage qui caractérise l’astronomie, la science des astres, c’est le suivant. L’Univers n’est pas seulement plus étrange qu’on l’imagine, il est surtout plus étrange que nous ne pouvons l’imaginer. Si vous n’en êtes pas encore convaincu(e), ou que les affaires du ciel vous sont étrangères, la lecture de ce roman vous plongera en plein au cœur de cette constatation. L’Univers ne manque jamais une occasion de nous étonner, que vous soyez amateur comme professionnel, et l’auteur le rend très bien au travers cet ouvrage.

Dans la forme, le roman « L’équation 37 » est franchement original, sinon risqué, en tout cas certainement innovant, plaisant à lire et même utile. Son titre, comme ses personnages et leurs interactions, renvoie au roman d’espionnage et d’intrigue politique, toutefois sans le machisme exacerbé ni les actions pétaradantes et invraisemblables. Mais ce livre est également une uchronie, dans la mesure où il anticipe les développements scientifiques et technologiques dans un futur proche sur la base de faits actuels véridiques. Enfin, l’ouvrage relève en partie de la communication scientifique, tant il est abondamment ponctué de découvertes, de faits scientifiques, d’hypothèses, d’échecs ou d’espoirs tout à fait authentiques, dûment documentés par l’auteur et traçables via les notes qui se trouvent en fin de manuscrit. Tous ces éléments sont mélangés ensemble et s’alternent de façon fluide au cours de la lecture. « L’équation 37 » est donc un livre hybride – sans être péjoratif – qui jongle entre les genres pour mieux livrer la vision de l’auteur de son sujet.

En effet, sur le fond, le pari était aussi risqué. Si le nœud central de l’intrigue tourne autour des planètes extrasolaires – comprenez : en dehors de notre système stellaire – et de leur exploration, l’auteur mêle à cette question des thèmes centraux de notre actualité technologique : le transhumanisme, les dangers écologiques, démographiques et le développement durable, l’intelligence artificielle et l’hyperconnectivité, les exoplanètes et la recherche de vie extraterrestre et enfin la colonisation de l’espace interstellaire. Professeur à l’Université de Namur, je suis un astrophysicien spécialiste de gravitation relativiste et je travaille notamment sur la modélisation du voyage interstellaire. Autant vous dire que je ne suis pas facilement impressionnable et que j’ai plutôt mauvais caractère, surtout quand il s’agit d’aspects techniques. Et pourtant, j’ai bien apprécié ce livre, pour les raisons que je vous détaille ci-dessous.

L’auteur, Geoffrey Van Hecke, n’est pas un scientifique de formation mais un passionné. Son travail de documentation n’en est donc qu’encore plus remarquable. Basé principalement sur des sources secondaires non techniques – des articles de vulgarisation scientifique ou inspirés de communiqué de presse émis par des scientifiques, l’auteur a, en général, bien réussi à trier le bon grain de l’ivraie à travers cette foule de thématiques populaires où abondent pourtant lieux communs, clichés, idées fausses et autres canulars. Malgré ce terrain miné, je trouve que l’auteur s’en est vraiment bien tiré : l’intrigue est scientifiquement plutôt bien étayée et plausible dans la grande majorité. L’auteur a évité bien des pièges qui traînent sur Internet, ou dans la mauvaise littérature de science-fiction. Si mon caractère pointilleux a bien relevé quelques bricoles – des imprécisions et des inexactitudes, et une omission qui aurait pu améliorer l’intrigue, je pardonne de très bonne grâce à l’auteur. En effet, le sujet du voyage interstellaire est largement délaissé dans le monde scientifique, il n’a pas « pignon sur rue » et la plupart des scientifiques partent du principe qu’il est impossible, sans trop en maîtriser les raisons précises. Certaines idées fausses circulent même parmi la communauté scientifique, puisque le sujet est très mal représenté en termes de sources fiables. Le sujet du vol interstellaire est même submergé par les études douteuses, les arguments dimensionnels castrateurs, une désertion chronique des financements et surtout pollué par l’accaparement par des hurluberlus pseudo-scientifiques et la mauvaise science-fiction. Que le lecteur se rassure, rien de tout cela dans l’ouvrage de Van Hecke. L’auteur a bien étayé son récit avec des éléments avérés, en évitant les écueils les plus dommageables ou en signalant les hasardeux. Par ailleurs, la thématique de la recherche de la vie extraterrestre sur les exoplanètes est très bien abordée dans l’ouvrage, et le lecteur novice pourra prendre conscience grâce à ce livre de l’avancement de la science en ce domaine et de l’imminence d’une découverte majeure.

Outre ces aspects techniques certes légitimes mais qui sont le tracas des spécialistes, je recommande surtout la lecture de ce livre pour la trame générique. L’auteur nous livre une anticipation originale, innovante, de certains thèmes parmi les plus chauds de la science et de la technologie actuelle. Des sujets comme l’omniprésence de l’intelligence artificielle, le transhumanisme (la technologie au service du prolongement de la vie) ou le développement de l’exploration spatiale s’infiltrent désormais dans notre quotidien. Ils sont incontournables, même pour ceux qui n’en veulent pas. L’ouvrage de Geoffrey Van Hecke met en scène toutes ces thématiques, dans une intrigue où elles s’entremêlent dans des interactions astucieuses et plausibles, parfois même inquiétantes. L’auteur touche aux questions éthiques, avec le regard du citoyen lambda concerné, et nourrit l’ambition que ces développements scientifiques et technologiques se feront au final pour le bien de l’humanité. Car le récit est foncièrement positif et humaniste – de mauvais coucheurs diront peut-être qu’il est naïf et je ne serai pas d’accord : je trouve pour ma part qu’il est optimiste, confiant et libéral.

Ainsi, ce que j’ai apprécié le plus dans le roman « L’équation 37 », c’est qu’il met en scène une convergence de faits d’actualité scientifique de façon tout à fait plausible et pertinente. Le roman ose également dépoussiérer le sujet malmené – sinon tabou – du voyage interstellaire. Contrairement au space opera ou à de nombreuses œuvres qui se revendiquent pourtant de la science-fiction, Geoffrey Van Hecke ne malmène pas ces sujets et en délivre une intrigue bien soutenue, que l’on peut aborder avec confiance, sans toutefois oublier de prendre avec soi son esprit critique.

Pour conclure, j’ai trouvé que ce livre est bien plus que seulement actuel et pertinent : je suis convaincu qu’il est même en grande partie visionnaire. »

« L’équation 37 »  de Geoffrey Van Hecke est disponible en librairie et sur notre e-shop : 

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