Un partenariat homme-nature exemplaire

Thomas Meunier et Virginie Hess (photo de Adrien Renkin)

C’est une contrée magnifique où l’eau a sculpté des paysages fascinants et donné naissance à des milieux de grande biodiversité : le Parc Naturel des Sources fait aujourd’hui l’objet d’un superbe ouvrage écrit par Virginie Hess, journaliste raconteuse de nature, et Thomas Meunier, photographe animalier et guide nature. Virginie, l’éco-conseillère, répond à nos questions :

Virginie, votre ouvrage est conçu sur le principe du carnet de route, pourquoi ?

Nous voulions emmener le lecteur en balade à travers les différents paysages que nous avons sillonnés depuis le plateau fagnard jusqu’aux fonds des vallées et partager avec lui toutes les observations que nous avons faites en chemin. Tout au long du parcours, nous avons pris des notes, gribouillé des petits schémas, pris des photos, croisé des animaux sauvages ou des plantes rares. Autant d’informations que l’on peut retrouver dans un carnet de terrain. Et nous avons décidé de garder cette idée pour le livre. Et puis, ça nous a permis de personnaliser aussi ce récit puisque je raconte tout ce que je vois, ce que j’entends et ce que je vis au lecteur, comme s’il m’accompagnait dans ce périple.

Enfin, l’aspect « carnet de route » nous permet aussi de sortir du format classique du livre naturaliste ou documentaire, et de rendre le récit plus vivant, concret, et surtout accessible.

L’eau est au coeur de l’ouvrage. Quel rôle joue-t-elle dans cette région en particulier ?

L’eau est omniprésente au Pays des Sources, et sous de multiples formes : marais, ruisseaux, rivières, étangs et sources jalonnent le territoire, créant des milieux naturels d’une grande diversité.

Dans la Fagne de Malchamps, les tourbières stockent et filtrent une partie des eaux de pluie qui entament ensuite un long et lent voyage souterrain au cours duquel elles se minéralisent avant de rejaillir plus bas dans la vallée. C’est de ces sources que provient l’eau minérale naturelle de Spa. Une ressource fragile qui doit être protégée, tout comme l’écosystème fagnard qui abrite une biodiversité exceptionnelle.

Les rivières ont, quant à elles, creusé des vallées magnifiques et ont largement contribué à l’essor de la région : sidérurgie, création de routes, tourisme, etc. Elles accueillent elles aussi un cortège d’espèces animales et végétales sauvages fragiles qui méritent d’être préservées.

Enfin, le projet de création de mares naturelles porté par le Parc naturel des Sources sur les territoires de Spa et Stoumont vise d’une part à renforcer la biodiversité du territoire et d’autre part à le rendre plus résilient face aux épisodes climatiques extrêmes. Tout comme les tourbières restaurées, les mares et autres milieux humides jouent en effet un rôle de tampon et de réservoir en retenant les eaux de pluie et de ruissellement, limitant ainsi les risques d’inondation.

Nous connaissons tous l’eau de Spa. Ses exploitants ont-ils des contraintes particulières pour préserver la biodiversité alentour ?

Oui bien sûr. La préservation d’une ressource aussi précieuse que l’eau minérale naturelle repose en grande partie sur la protection de milieux naturels au sein duquel elle s’écoule.

C’est la raison pour laquelle la société Spa Monopole s’est battue contre le projet d’enrésinement de la Fagne de Malchamps à une époque où les politiques forestières privilégiaient les plantations massives d’épicéa, notamment sur des terrains peu rentables comme les milieux fagnards. Afin de protéger au mieux cet écosystème fragile ainsi que l’or bleu qui coule dans son ventre, l’entreprise a mis en place un périmètre de protection de 13.000 hectares, unique en Europe. Au sein de celui-ci, il ne peut être entrepris aucuns travaux qui auraient pour conséquence d’impacter les sources de Spa et leur environnement.

Plus largement, Spa Monopole a participé à la création du Parc naturel des Sources, aux côtés des communes de Spa et Stoumont et de l’association Domaine de Bérinzenne. Un partenariat public-privé assez unique en Wallonie dans le domaine de la conservation de la nature. Aujourd’hui, le Parc emploie 6 employés qui mènent des projets sur le terrain en faveur de la biodiversité.

Cette collaboration multi acteurs en faveur de la protection de l’environnement est l’une des forces du territoire. Ainsi, un contrat moral portant le nom de « Modus Vivendi » a été conclu en 1967 entre le Département de la Nature et des Forêts, la Ville de Spa, le Domaine de Bérinzenne et Spa Monopole. Il définit les rôles de chacun dans la préservation des ressources naturelles de Spa et instaure des mesures strictes visant à maintenir la qualité des écosystèmes et de l’eau : protection des zones humides et d’espèces végétales rares (orchidées, plantes carnivores, etc.), prélèvements d’épicéas afin de tendre vers des forêts plus mixtes et donc plus riches en biodiversité, interdiction d’utilisation de pesticides, d’engrais et d’amendements, etc.

En quoi cet exemple pourrait-il être inspirant ?

Ce partenariat homme-nature mené à l’échelle d’un territoire et porté par des acteurs publics et privés pourrait être transposé à d’autres lieux. Une telle dynamique nous montre d’une part qu’une entreprise peut jouer un rôle très positif sur l’environnement naturel au sein duquel elle déploie son activité pour autant qu’elle y mette les moyens et qu’elle associe à cette démarche les autres acteurs territoriaux (politiques, associatifs, privés, etc.).

L’exemple du Pays des Sources nous montre aussi qu’en opérant certains choix, une entreprise peut favoriser, auprès d’autres acteurs, le déploiement de nouvelles pratiques favorables à la biodiversité sur le terrain. C’est le cas par exemple du projet « abeilles sentinelles » mené par Spa Monopole en collaboration avec BeeOdiversity qui permet à l’entreprise de sensibiliser les agriculteurs du coin à l’impact des pesticides sur les pollinisateurs. On peut aussi citer l’effet positif du Modus Vivendi sur l’évolution des pratiques forestières à proximité des zones de captage, etc.

Mais il n’y a pas que l’action de l’Homme. La nature est également résiliente, n’est-ce pas ?

Oui, en effet, pour autant qu’on ne vienne pas perturber systématiquement ses cycles et qu’on lui donne l’espace et le temps dont elle a besoin pour absorber les perturbations importantes qu’elle subit. Par exemple, une rivière a besoin de pouvoir occuper tout son lit majeur pour absorber les crues. Le fait de bétonner ses berges ou d’urbaniser sa plaine alluviale l’empêche de suivre sa dynamique naturelle. Avec les conséquences dramatiques qu’on a connues durant l’été 2021.

De même, une forêt plus mixte et qui se régénère naturellement sera plus vivante et plus résiliente en cas de sécheresse qu’une monoculture d’épicéas.

Vous qui êtes éco-conseillère et journaliste nature, entre autres, avez-vous tout de même appris quelque chose en préparant cet ouvrage ?

Oh oui, énormément de choses ! Sur la Fagne, notamment, que j’ai observée de plus près. C’est un milieu hostile au sein duquel évoluent pourtant des espèces animales et végétales extraordinaires ! L’histoire de l’eau minérale m’a fascinée également. J’ignorais par exemple que le caractère pétillant de la Spa Finesse provenait d’une rencontre souterraine entre l’eau de la nappe phréatique et le CO2 volcanique qui provient de l’Eifel en Allemagne où le magma est toujours présent dans le sol !

Enfin, le travail d’équipe avec Thomas Meunier fut très inspirant. Son regard de photographe naturaliste m’a permis de voir des choses que je n’aurais pas toujours repérées seule : une plante rare mais minuscule, un chevreuil à la lisière d’un bois, le graphisme d’un paysage, la beauté d’un ciel. Ses images ont nourri mon récit tout au long du voyage. Et mes textes lui ont inspiré quelques beaux clichés aussi !

Avez-vous un lieu « coup de cœur » ?

Le paysage de la Fagne de Malchamps au lever du jour est encore très présent dans ma tête. Avec les brumes matinales qui flottent au-dessus des tourbières… C’est sublime.
J’ai aussi un coup de cœur pour la vallée du Roannay, magnifique rivière qui parcourt la commune de Stoumont.

Découvrez notre vidéo de présentation du livre :

« Au Pays des sources » de Virginie Hess et Thomas Meunier est disponible en librairie et sur notre e-shop : 

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