Troublantes victimes

Appelés sur une scène de crime, des policiers se trouvent face à un homme qui braque une arme sur eux, puis la retourne contre lui-même après avoir clamé son innocence. La victime est une jeune étudiante, sa voisine de palier, son corps est meurtri d’une dizaine de coups de couteau. Le coupable semble tout désigné malgré son déni, de quoi classer rapidement cette affaire qui soulève une vive émotion et donne lieu à l’organisation d’une marche blanche à la mémoire de la charmante demoiselle.  Mais la suite d’Autopsie d’un doute nous confirmera, si besoin en était, qu’il ne faut pas prendre les apparences pour évidences, que la vérité est souvent à trouver ailleurs au terme d’une quête qui mobilise toutes les énergies.

C’est la conviction qui anime Steve, le jeune inspecteur écarté de son poste suite au burn out qu’il vit depuis sa descente sur le lieu du crime. Il est rejoint dans ses doutes par l’enseignante à la retraite avec qui il avait formé un duo dans La fille sur le banc, précédent roman de Bernadette De Rache. Ils vont mener leur propre enquête en toute liberté, alors que nous apprenons que la police est sur une autre affaire, elle aussi trouble, d’une autre jeune femme, Alison, noyée dans sa voiture. La tentation est forte pour les autorités de conclure à un simple suicide, même si bien des questions se posent. De leur côté, nos deux comparses ne ménagent pas leurs efforts : ils découvrent que les deux jeunes femmes viennent de la même région rurale, qu’Alison et Rose se connaissaient, qu’elles étaient même proches, très proches, que Rose avait signalé à police qu’elle était harcelée par son voisin de palier, présumé coupable. Et puis d’autres indices voient peu à peu le jour : Rose faisait un travail d’étudiante chez un notaire grand dévoreur de femmes et trempé dans des trafics louches et la voisine de palier d’Alison, une vieille dame singulière, accueille et héberge des jeunes tout aussi singuliers. Avant que la vérité éclate, il sera question d’opérations immobilières sulfureuses, d’abus sexuels, de création d’un service d’escort girls, tous ingrédients pimentés qui relancent la tension de ce roman qui ne va pas droit au but.

Avec ce fort roman, Bernadette De Rache embarque le lecteur dans une enquête au long cours qui prend le temps de camper tous ses personnages, de nous les rendre familiers, proches. Respectueuse de leur complexité et de leur ambivalence, elle nous en dévoile progressivement les différentes facettes, démontant les impressions premières, par-delà la réputation de chaque protagoniste. Le fil tortueux de ce récit écrit avec soin donne aussi l’occasion de découvrir des milieux différents, des décors, des ambiances et plus particulièrement la vie d’une association d’aide aux victimes et son travail en finesse d’accompagnement pour le dépôt de plainte et la lente reconstruction qui la suit. Et puis, l’ancrage profondément liégeois du récit, déjà évident dans La fille sur le banc, contribue à son charme indéniable et nous promène de quartier en quartier, donnant à respirer l’ambiance de la ville, à (re)découvrir ses cafés, ses rues anciennes, sa cathédrale. En faut-il plus pour dire que nous tenons là un livre attachant dont la richesse et la maturité forcent le respect ?

Thierry Detienne pour Le Carnet et les Instants.

« Autopsie d’un doute » de Bernadette De Rache est disponible en librairie et sur notre e-shop :

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