Satané chemin de croix d’un homme de foi
Fou de Dieu, Tercorère s’est retiré dans le désert. Avant d’être plébiscité prêtre. “Vie et mort de saint Tercorère le Maudit”, huitième roman d’André-Joseph Dubois. Une plume racée au service d’un récit éclairant.
En fin de son nouvel ouvrage, André-Joseph Dubois nous gratifie de repères chronologiques qui aideront à la compréhension de son récit. Des dernières persécutions contre les chrétiens (303-311) à la pénétration des Huns d’Attila en Europe (450).
Dans Vie et mort de saint Tercorère le Maudit, son huitième opus, l’auteur, né à Liège en 1946, nous plonge en effet au début du premier millénaire, aux côtés d’un homme qui serait né en 370 et aurait eu comme illustres prédécesseurs Macaire dit le Copte (ou le Boulanger), Macaire le Grand ou Antoine du Désert. Alors que sa route était toute tracée (milieu familial aisé, mariage arrangé), il bifurque. Tercorère, fou de Dieu, tente de fuir le péché. “Depuis l’origine, le Mauvais a fait de la femme son meilleur allié pour perdre les hommes, ces benêts.”
Tout est vanité
Voici donc Tercorère, aux portes du désert, en anachorète. Place au ravissement, à la contemplation ainsi qu’à la méditation. Quelle est l’origine de l’humanité ? D’où provient la malédiction qui s’est abattue sur les hommes ? Pourquoi refusent-ils obstinément de se soumettre à leur condition ? Tout est vanité, est-il très vite énoncé.
S’ensuivent des échanges philosophiques entre Tercorère, un lion et une hyène. “Petit homme, pourquoi as-tu quitté les hommes ?”, questionne le lion. “Je ne les supportais plus. Ils veulent la jouissance ici et le salut dans l’au-delà”, lui répond l’ermite.
Tercorère se voit pourtant vite rattraper, non par la réalité mais par les fidèles de son bourg venus à lui en pèlerins. Le voilà acclamé, porté en triomphe, désigné prêtre puis évêque au décès de ce dernier. Retournement de situation. Régulièrement il s’éloigne, se déplace de village en village. Dans l’un, on l’écoute avec application quand dans l’autre on se ferme à ses tentatives de conversion. “Au total ces expéditions dont il rentrait meurtri accroissaient sa haine des hommes. Elle n’avait d’égale que l’aversion qu’il avait de lui-même.”
Bruit et fureur
Les obligations de la fonction de Tercorère le mènent à Carthage afin d’assister au concile. Il en revient avec l’idée de mobiliser ses fidèles autour de l’érection d’une basilique. Dans la foulée, les habitants sont l’objet d’une boucherie sans nom sous couvert de chasse aux hérétiques. Et ce, avant que les Vandales les somment de quitter la ville…
“Une histoire de bruit et de fureur, indique la 4e de couverture, à l’époque de saint Augustin et des invasions barbares.” A l’aune de l’exacerbation de certaines croyances depuis le dernier quart du XXe siècle, libre au lecteur, à la lectrice, de lire entre les lignes et d’établir un parallèle entre hier et aujourd’hui. Soutenue par une plume racée et une rare érudition, voici une délectable lecture même si le sujet ne l’est point. L’humour et le regard en coin d’André-Joseph Dubois tournent en dérision la folie des hommes au nom de dieu.
Un article signée Marie-Anne Georges pour La libre.be, 26/06/23
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