Olivier Weyrich

« Questions-réponses » avec l’éditeur

Olivier Weyrich, vous êtes dans le monde de l’édition depuis un bon moment déjà. Qu’est-ce qui vous a poussé ? Envie de faire partager les passions des autres (auteurs, illustrateurs, photographes …) à des lecteurs ?
Très tôt j’ai enfilé l’habit d’éditeur avec mon journal d’information régionale. Je n’étais pas encore sorti de mes études que chaque mois, je publiais et gérais une équipe de rédacteurs. L’imprimerie pour moi était le meilleur moyen d’entrer dans le monde de l’industrie graphique. Pour ma part, les livres comme les magazines m’attirent autant par le contenu que le contenant. Lire, c’est partir à la découverte de quelque chose, de quelqu’un, d’un univers, d’un monde et son histoire, ses gens et leurs histoires. Pour éditer, il faut vouloir partager, c’est comme enseigner.

Un petit historique, peut-être ? Vos premiers souvenirs de jeune éditeur ? Des doutes ou l’enthousiasme dès le début ? De belles rencontres ?
Chaque livre est une rencontre et une histoire à raconter. Les souvenirs ne manquent pas ! Jeune éditeur, je n’imaginais pas conduire ma maison où elle est maintenant. Mais c’est cela la vie, on monte sur un bateau et on tente de le conduire le plus loin possible pour découvrir le monde, de repousser le plus possible ses doutes et ses peurs, sans quoi on ne quitte jamais le port et on finit par regarder les bateaux des autres qui partent à l’aventure.

Comment avez-vous déterminé votre (vos) ligne(s) éditoriales ? Des opportunités ? Des rencontres qui vous ont marqué ? Vous montrez tout de même un fameux éclectisme avec toutefois une nette préférence pour ce qui touche l’Ardenne. A côté de cela, d’autres livres qui traitent d’éthique, de jardinage, de nature et puis, dernièrement, un magazine de jardinage justement qui semble rencontrer un beau succès.
Editer consiste à anticiper, à ressentir, à développer son intuition, transformer les idées et les opportunités en réussites et en succès de librairies. Ma ligne éditoriale est bâtie avec soin autour du thème de la forêt. Il est enraciné naturellement en Ardenne ou j’ai fondé la maison d’édition. Pour rendre viable notre projet d’entreprise, j’ai composé un catalogue avec des collections de niches. La Belgique est un confetti et peu propice au développement des maisons d’édition. Le marché est trop étroit, restreint par les frontières linguistiques en autre, et cannibalisé par les éditeurs français dont le champ d’action est bien plus large.

Comment choisit-on de publier au pas un auteur ? Vous recevez sans doute de nombreux manuscrits. Comment s’opèrent les choix ? Vous seul décidez ou bien vous êtes-vous entouré de gens compétents pour guider vos choix ?
Mmm ! c’est une vaste question. D’abord, il faut avoir à l’esprit que le budget annuel pour produire des livres est limité. Et qu’il faut opérer des choix dictés par des contraintes. Elles peuvent être dictées par le catalogue et ses collections. Mais aussi par les opportunités qui permettent de répondre à des attentes fortes du public. Un éditeur qui connait ses lecteurs doit savoir ce que son public recherche. Leurs envies orientent souvent les choix de l’éditeur. Je suis toujours étonné de voir le nombre de projets qui me sont proposés et que ne sont pas en adéquation avec notre catalogue. Trop d’auteurs de manuscrits sont maladroits et sollicitent les éditeurs sans réfléchir, sans savoir ce que nous éditons.

Comment sait-on, devine-t-on plutôt, à côté des « locomotives » de la maison, ce qui va « marcher », rencontrer certaines aspirations de votre public ? Vous est-il arrivé de vous « planter » ?
Tout le monde se plante dans la vie et le jeu consiste à se planter le moins possible ! Pour un éditeur c’est le même principe. Quand on a construit une entreprise et qu’on a une bonne équipe, l’objectif c’est de limiter les risques et de mettre toutes les chances de son côté pour réussir. Mon métier consiste aussi à bien connaître le marché du livre, ses attentes, ses besoins, ses goûts… Il faut donc écouter, aller sur le terrain, rencontrer les libraires, observer, surveiller les médias, détecter ce qui passionne les gens.

D’aucuns s’attachent à dire que le livre papier est condamné à disparaître au profit des liseuses de tous formats. Votre avis ? Seriez-vous tenté, à plus ou moins long terme, de publier des e-books au départ des différents romans, nouvelles et essais que vous publiez ?
Nous publions des ebook depuis la Foire du livre de Bruxelles 2014. Principalement des romans de qualité. Ils sont au nombre d’une vingtaine. Ce n’est pas la panacée, ni la révolution annoncée. Et notre maison d’édition n’est pas capable de vivre de cela. Je pense que c’est le cas de beaucoup. Le numérique est un bon support de lecture et une solution idéale pour ceux qui voyagent beaucoup et qui ne peuvent pas emmener leur bibliothèque avec eux. Pour ces lecteurs-là le papier à l’inconvénient d’être lourd et volumineux. Les tablettes sont donc un solution extraordinaire. Pour les autres, je pense que leurs yeux sont gavés d’écrans lumineux : ordinateur au travail, téléphone portable, tablette au boulot ou à la maison, télévision le matin, le midi, le soir… les écrans nous ont envahi ! Maintenant, ils polluent même les rues. A mon sens, le livre papier reste un lieu de respiration, de détente, de calme, d’oxygène et de bien-être. Tant que le livre possède ses qualités il vivra.

Editeur, un métier difficile ? Comment voyez-vous l’avenir du monde éditorial en Wallonie en général ?
C’est un métier qui exige beaucoup de connaissances et de compétences. Je parle souvent de ce métier au pluriel car nul n’est capable de les maîtriser tous, or pour éditer il faut avoir la capacité de les réunir tous ces métiers qui permettre de produire des bons et beaux livres. Je pense donc avec composé une belle équipe !
Je suis inquiet pour le réseau des librairies qui se décompose. Cela devient inquiétant. Peu de choses sont mises en place pour leur venir en aide. Et je ne pense pas que les grandes enseignes de vente de livres sur Internet ont les mêmes motivations que celles qui ont stimulés nos libraires. Ce sont des machines à profit qui cherchent le monopole. Si elles s’imposent, nous perdrons la qualité du rapport que nous avons avec les livres. Ce quelque chose de magique disparaitra.

N’hésitez pas à poser vos questions en commentaire, il répondra avec grand plaisir 😉

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