Malagne la gallo-romaine : toute son histoire dans un livre
Un beau domaine, un véritable foyer d’où rayonnent le goût de notre passé, le goût aussi de la nature, animale autant que végétale.
Le site avait été repéré et avait fait l’objet d’une première fouille à la fin du 19e siècle par les archéologues Alfred Mahieu, et Jean-Jacques Godelaine. A proximité d’une chaussée romaine, au nord de Rochefort, la voie de la Famenne sur le plateau de Gerny, dans la Calestienne, une région fertile à la flore très riche, au sous-sol calcaire, se prêtait très bien à l’édification d’une grande villa d’une cinquantaine d’hectares. En 1992, une équipe de la région wallonne dirigée par l’archéologue Philippe Mignot avait entamé une nouvelle campagne de fouilles. Le but: établir les phases de construction de la villa, et étudier l’environnement de l’époque par la palynographie (étude des pollens). En gros, la villa comportait une part réservée à l’habitation, et une autre, aux diverses activités agricoles et artisanales.
Peu à peu, de nouvelles activités vinrent se joindre aux recherches archéologiques. mettant ainsi le site en valeur, notamment par la participation d’élèves des écoles voisines. Ces activités sont ici présentées par Janine Decant, écrivaine, ancienne enseignante, auteure de multiples activités littéraires; Anne Boland a été elle aussi enseignante, Xavier Rijs, peintre, sculpteur, photographe, a centré sa présentation du site en images – superbes – sur des sculptures qui font des arbres des partenaires quasi vivants; Françoise Fontaine, archéologue, assistante aux MRAH, est depuis 2011 directrice de l’ASBL Malagne, avec pour objectif principal de rendre accessible le patrimoine au public. Florence Garit, historienne de l’art, fut d’abord à Malagne médiatrice, voici dix ans, et est aujourd’hui collaboratrice scientifique et pédagogique. Jean-Luc Mulkens, ingénieur agronome de l’aménagement et de l’entretien des jardins depuis 1995, veille aussi à leur protection et à la biodiversité.des jardins. Enfin, Camille Scuttenaire, diplômée en communication. Responsable de la communication, elle coordonne aussi l’événementiel.
Il faut d’emblée féliciter les membres de l’équipe, venus d’horizons très divers, d’avoir su réaliser en ce beau domaine un véritable foyer d’où rayonnent le goût de notre passé, le goût aussi de la nature, animale autant que végétale. De tout cela témoigne ce beau livre que nous avons en mains, résultat d’un amour commun de cette terre, de la connaissance du passé, et du souci de transmettre aux enfants comme aux adultes le goût et le souci de ces richesses.
Le premier chapitre, un récit, Le rêve de Marcus, nous décrit les activités multiples d’un propriétaire de l’époque romaine, assez tardive semble-t-il, vers le 2e siècle après J-C. C’est l’occasion de nous familiariser avec le plan du domaine, le détail des activités agricoles, les travaux et les jours, ceux aussi des artisans dont le travail était nécessaire à la bonne marche de la ferme: forgerons, carriers, cuisiniers…Oui, une villa, c’était, presque, une petite ville, une ruche bourdonnante, qui allait par la suite donner vie à la société féodale. Il fallait aussi la défendre en cas d’invasion, ce qui n’allait guère tarder à se produire. L’armée, son équipement, ses armes, ses chevaux, ne sont donc pas laissés sur le côté. Il faut par ailleurs féliciter les documentalistes, qui ont su retrouver chez les auteurs latins des citations qui illustrent à merveille ce qui nous est ici montré, et c’est comme une voix venue au travers des siècles pour confirmer ce que nous montrent les superbes images qui nous ont ici offertes, avec la participation active des enfants admiratifs et curieux. Voici par exemple ce que nous dit Ausone, écrivain mosellan qui passa sa vie en Gaule, depuis sa naissance à Bordeaux, si j’ai bon souvenir: Oui, on doit croire que ces artistes, ou d’autres semblables, ont tracé le dessin de ces édifices des campagnes de la Belgique, et disposé ainsi les superbes villas qui sont la parure du fleuve (…),celle-là, occupant une colline qui domine au loin le fleuve, peut à son aise contempler en souveraine les lieux cultivés ou sauvages, et, grâce )àla richesse du coup d’oeil, jouir de ces terres comme de son domaine. »
On notera aussi en ce chapitre la présence d’une moissonneuse, mise en mouvement par un âne, et appelée le vallus, la fameuse moissonneuse des Trévires, découverte pour moitié à Buzenol, pour moitié à Reims; mais celle-ci est beaucoup plus grande. On mettra bien longtemps encore avant d’en revenir à la mécanisation. Le chapItre 1 LES BATIMENTS , Protection, est lui, plus technique, évoquant les fouilles archéologiques, la reconstitution des bâtiments, ceux de la maison tout d’abord, avec les bâtiments Epona et Vulcain, évoquant à l’ancienne le forgeron et les chevaux. La légion est à nouveau évoquée, avec sa cavalerie, qui donne lieu à de belles prestations devant les spectateurs. Chapître II: Ressourcement – Une nature préservée, le jardin d’agrément, introduit par les Romains, et le potager. Des espèces bien moins nombreuses que celles d’aujourd’hui Des parcelles séparées par des sentiers enherbés, les associations de plantes. N’oublions pas que bien de légumes et des fruits n’étaient pas encore découverts: la pomme de terre, le maïs, la tomate, le potiron, le haricot… Mais on pratiquait l’échange des semences, et les auteurs romains étaient assez nombreux à avoir écrit des traités d’agriculture. D’autres graines, telles l’épeautre, étaient assez différentes des variétés usitées aujourd’hui. Il en va d’ailleurs de même des animaux, brebis, chèvres, ânes, les espèces ne sont plus les mêmes. Tout cela donne lieu, bien sûr, à d’intéressants échanges de vues entre le public et les animateurs du domaine. La faune sauvage se trouve dans le même cas. Chapitre 3: Inspiration. Quand l’art s’inspire des pierres anciennes. Ici, c’est Xavier Rijs qui va occuper l’avant-scène. Grâce à ses arbres sculptés, et à dautres objets sculptés prêtés par le groupe d’Action locale, « Prendre racine dans les étoiles », un projet certes ambitieux, mais combien évocateur, vint couronner toutes ces activités, cet éveil à la connaissance dans le public. Pierres et bois rares, inattendus, éveillaient rapprochements d’idées, réflexions multiples. Car toute vie sensible, toute création de biens, de nourriture, d’images, trouvent effectivement leurs racines dans un monde qui nous échappe, mais que nous pouvons pressentir par ces lignes et ces volumes. Les photos, les image superbes permettent au lecteur du livre d’y être à leur tour éveillés.
Enfin, le livre se terminera par Dans la peau d’ un gallo-romain, rappelant ainsi la proximité qui doit se créer entre nous et ces hommes du passé, proximité qui est à la fois gage de compréhension, et garantie de continuité pour notre avenir. Et c’est un vrai plaisir que de voir, en ces dernières pages du livre, se multiplier ces photos d’enfants, pleins de vie et de curiosité attentive. Comme le dit un proverbe africain: Celui qui veut aller loin, doit d’abord regarder derrière lui.
Un article signé Joseph Bodson pour Reflets Wallonie-Bruxelles
« Malagne, la Gallo-Romaine » de l’Archéoparc est disponible en librairie et sur notre e-shop :