Lu avec soin

Thierry Detienne plonge dans les Carnets buissonniers de Carl Vanwelde

Carl Vanwelde est médecin et écrivain. Outre des poèmes, il rédige depuis une quinzaine d’années des chroniques qui paraissent dans Le journal du médecin et qui sont rassemblées dans le présent recueil. Dans son court prologue, l’auteur prévient le lecteur qui chercherait quelque prolongation des séries télévisées urgentistes trépidantes que les pages que l’on apprête à tourner sont « significatives de la transformation que le contact des autres apporte ». Contacts : celui du regard qui embrasse un intérieur lors d’une visite à domicile, pour se centrer ensuite sur le visage, celui de l’écoute des mots entendus, puis de l’examen des corps avec l’oreille, avec les doigts.

Nécessaire prélude au soin mis à rendre les émotions, les siennes tout autant que celles de ses patients. Des émotions liées à la souffrance, à l’inquiétude, au soulagement, au spectacle de la vie qui vient et s’en va, inexorablement. Chaque patient est une rencontre, avec son univers singulier qui nous est rendu avec acuité :

Une visite à Marion demeure un émerveillement pour les yeux. Atteinte de mille maux que l’usure des fonctions vitales entraîne dans son sillage, cette citadine a su créer son jardin de Provence à domicile. 

Guidés par le souci de rendre le caractère unique de chaque patient, ces Carnets buissonniers forment un kaléidoscope humain qui séduit par sa diversité d’approche et de ton. Tantôt légers, tantôt plus graves, ils pratiquent volontiers l’humour décalé. Mais en filigrane, on ne peut qu’être touché par la démarche du thérapeute qui respecte avant tout les ruses que chacun déploie pour rendre la vie moins cruelle. Il s’en dégage au fil des pages une philosophie professionnelle fondée sur le respect de la dignité de chaque personne. Une forme de sagesse relationnelle qui rappelle que le soin donné à autrui reste une affaire de bienveillance éclairée par la science qui gagne à pratiquer l’humilité.

Au terme des 500 pages du recueil, on mesure que l’on tient en mains une œuvre littéraire à part entière. On l’aura compris, celle-ci repose sur la qualité du regard posé, sur l’économie peu commune de l’écriture et la capacité de renouvellement dont elle témoigne. À administrer à faible dose quotidienne après le repas ou d’une seule goulée.

Un article de Thierry Detienne pour Le Carnet et les Instants

« Carnets buissonniers » de Carl Vanwelde est disponible en librairies et sur notre E-shop :

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