Le chroniqueur Claude Donnay a dévoré “Les soeurs noires”, un roman noir “page-turner” signé de l’auteur belge Philippe Remy-Wilkin. Une enquête sur une étrange disparition dans la ville de Tournai.

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Le choix de Claude Donnay, auteur et éditeur d’Yvoir (Bleu d’encre) :

Philippe Remy-Wilkin est un auteur belge (Bruxelles), qui a pas loin de 20 titres à son actif dans des domaines très variés, qui vont du roman à l’essai en passant par la nouvelle, le conte, le récit ou le scénario de BD.  Et on ne peut oublier son rôle essentiel de « passeur ».  Très actif sur les réseaux sociaux pour promouvoir ses pairs avec une générosité sans bornes, il chronique l’actualité littéraire belge pour le site « Les Belles Phrases » ou pour « le Carnet & les Instants », ou encore pour Radio Air Libre.  Et plusieurs fois par an, il livre des dossiers particulièrement fouillés sur des auteurs, des courants littéraires ou cinématographiques.  Ses « Ediphil » sont incontournables et attendus par bon nombre d’internautes.

Aujourd’hui, c’est du romancier dont je veux vous parler à travers un ouvrage paru chez Weyrich en automne 2022, « Les Sœurs noires ». Il s’agit d’un roman noir, un thriller, qui a pour cadre la ville de Tournai.  Moi qui ne connaissais pas cette ville, je pourrais maintenant m’y aventurer les yeux clos, tant Philippe Remy-Wilkin la décrit avec une minutie et un amour, qui ne peuvent qu’emporter le lecteur.  Il y a vraiment moyen de visiter la ville, le roman de l’auteur à la main, et je vous garantis de belles découvertes à la fois touristiques, historiques ou gastronomiques.

Philippe Remy-Wilkin nous raconte l’histoire de Siham, une jeune fille issue de l’immigration, et qui semble posséder pas mal de talents.  Elle est belle, raffinée, étudiante modèle de l’Athénée Bara, elle pratique le krav maga, un art martial utilisé par les commandos.  Mais un jour elle disparaît et la police semble convaincue qu’elle est partie pour le djihad en Syrie. Cathy, la directrice de l’Athénée, demande à Raphaël, ami et grand écrivain belge, d’enquêter sur cette disparition.  Avec l’aide de trois amis tournaisiens, il se met à explorer toutes les pistes possibles.  Et il y en a plusieurs.  Un ami « douteux » sur un réseau social, une famille – un frère et une sœur – assez réticents quant au comportement émancipé de la jeune fille, une organisation d’extrême-droite plutôt machiste, un amoureux et une amie évincés, des migrants en bordure de la ville… L’imbroglio est total.  Une pelote de laine que Raphaël va devoir dénouer fil à fil.

Le lecteur n’est pas laissé une minute en repos.  Le suspense est total.  Un vrai polar, brûlant jusqu’à la dernière page. C’est là que réside le grand art de Philippe Remy-Wilkin.  Parvenir à nous tenir en haleine tout en distillant des références culturelles belges au fil des pages.  Car cet auteur est aussi un brillant érudit, au fait de tout ce qui fait de la Belgique cette terre de culture atypique.  On croise donc des références littéraires, historiques, religieuses.  On passe de Tintin et Martine aux chansons de Juliette Armanet, à Camus, à Sartre…

La structure du roman est elle aussi d’une rare subtilité.  Des chapitres qui relatent le déroulement de l’enquête et des chapitres qui évoquent ce qui s’est passé quelques jours ou semaines auparavant.  C’est habile, le lecteur est emporté dans le tourbillon. Le lecteur est invité à réfléchir sur la Belgique et le monde d’aujourd’hui, à travers cette jeune femme désireuse de devenir une vraie citoyenne belge et une habitante à part entière du monde, et ce malgré ses origines familiales.  Ce n’est pas un hasard si la police pense d’emblée au djihad pour justifier la disparition.  Et à chaque page, Philippe Remy-Wilkin dénonce les préjugés, les vexations, les idées toutes faites, dont se nourrissent les réseaux sociaux, par exemple.  Pour lui, la Belgique est une terre d’expérience extraordinaire.  Il aime cette vision d’une Belgique multicolore, multiculturelle.
 
Les Sœurs noires est un vrai thriller, un polar à la Belge, plein de rebondissements, comme dans les grands romans policiers.  On ne s’ennuie pas une minute.  Ce livre est à la fois un page-turner et un ouvrage qui porte à la rêverie profonde, celle où on s’arrête le doigt sur la page, pour réfléchir à la vie, à sa propre vision de la vie.  Il est question de culture, de religion, d’identité, de migration, de féminisme et de respect de la femme, de la place de la liberté individuelle dans le monde de ce troisième millénaire.

Et que dire du style ! Flamboyant, truffé d’inventions, de références culturelles, culinaires, géographiques, historiques.  Une langue parfaitement maîtrisée, une véritable écriture. Un livre que vous devez absolument lire.  C’est du belge, c’est édité près de chez vous et c’est excellent !

Article signé Nicolas Debatty pour Matélé, 14/4/23

« Les Soeurs noires » de Philippe Remy-Wilkin est disponible en librairie et sur notre e-shop :