Les impressions de Philippe Remy-Wilkin : Le roi de la forêt

De lire à la suite, ou quasi, Pascal Lorent et Christian Joosten est très éclairant sur les paramètres qui définissent les choix des éditions Weyrich. On a deux récits policiers, qui s’élancent à partir de bases très classiques et captivent rapidement le lecteur, mais… ils sont rangés dans deux collections contrastées. Comme évoqué supra, le premier est sorti du cadre de Noir Corbeau alors que Christian Joosten, à première vue, en assume pleinement le cahier de charges : décors belges et écriture épurée, simple, narration confortable.

À première vue ! Car, au deuxième regard, son livre détonne. Déjà, les décors ardennais se limitent à une esquisse. Surtout, il n’est pas question ici d’un enquêteur qui va à la rencontre d’une série de suspects, collectant des indices, ébauchant une série de réflexions face à une manne de mystères. Certes, les premières pages sont conformes aux attentes du genre : un cadavre, un meurtre, un deuxième corps découvert sous le premier, un lien entre un récit contemporain et un drame remontant à une trentaine d’années, une chasse au tueur en série qui s’ébauche… Bascule ! Rapide. La femme assassinée aujourd’hui est la compagne du héros, de l’enquêteur Guillaume Lavallée, et elle n’offre pas le profil de la jeune beauté enlevée et violée, elle avait la cinquantaine dépassée et fatiguée. Bascule ! Le narrateur est illico impliqué au plus intime dans l’enquête et, du coup, écarté officiellement de celle-ci. Pis encore ou plus surprenant : il se retrouve suspecté, sa moitié l’ayant récemment quitté sans plus donner signe de vie. Et elle était la meilleure amie de la jeune disparue d’il y a trente ans.

Et le récit d’alterner entre passé et présent, de coller le lecteur aux allers et venues du suspect, un homme déraciné, qui s’est toujours perçu en marge, atterri jadis de l’extérieur, dont les liens avec la compagne Françoise étaient à tout le moins particuliers.

La suite ? Lynchage médiatique et populaire, oscillation des collègues, enquête parallèle pour se disculper et trouver le vrai coupable. Sauf que… Le lecteur observe que Lavallée a plusieurs fois adopté des comportements assez singuliers. Et le doute s’installe. Et si… ?

Une surprise ! Et une leçon narrative ! Christian Joosten réussit la gageure de maintenir l’intérêt de page en page, de captiver même, sans avoir recours à l’artillerie habituelle du thriller ou du policier, sans avoir recours à la sophistication, avec naturel, fluidité. La lecture ne bute jamais sur une saillie philosophique ou poétique, un mot rare, une description, une digression. On marche au côté d’un homme, de ses tourments, on scrute ses gestes, ses paroles, ses pensées, et la tension croît, le malaise. Jusqu’à ce que…

« Le roi de la forêt » de Christian Joosten est disponible en librairie et sur notre e-shop :

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