L’envie d’incarner un nouveau modèle
« Aah si seulement les hommes et les femmes politiques qui viennent à ce micro pouvaient s’y exprimer avec autre chose que leur agenda personnel en toile de fond et le réflexe d’incriminer systématiquement les partis adverses en lieu et place de développer une vision inspirante et porteuse de sens pour les auditeurs. L’exercice que vous avez fait dans votre livre pour promouvoir l’idée d’un autre modèle économique plus vertueux, il faudrait le faire également au niveau politique… ».
Nous sommes le 7 juillet 2014 et je termine l’enregistrement de l’émission Face à l’info sur La Première au micro du journaliste Eddy Caekelberghs. J’ai publié au printemps de cette même année le livre Sans plus attendre qui rassemble beaucoup de solutions innovantes et vertueuses que j’ai pu découvrir au contact de ces citoyens, entreprises et organisations qui changent la société en silence partout dans le monde. Alors que je marche dans les couloirs de la RTBF pour rejoindre la sortie, cette dernière phrase résonne en moi. Caekelberghs a raison, me dis-je, il est illusoire de vouloir changer de modèle économique si l’on ne fait pas en plus évoluer nos modèles politiques…
Mon domaine à moi, c’est le monde de l’entreprise et pas celui de la politique, mais j’ai toujours gardé à l’esprit cet échange avec Eddy Caekelberghs.
Est-il vraiment illusoire d’imaginer changer nos modèles politiques et démocratiques ? Être de gauche ou de droite fait-il encore sens dans ce monde devenu tellement pluriel, où il n’existe pas de réponses simples aux problèmes complexes qu’engendrent une population de 8 milliards d’individus et une mondialisation effrénée ? Avons-nous encore le temps des sempiternelles querelles d’ego politiques alors que notre maison brûle ? L’urgence n’est-elle pas aussi à la création d’un nouveau récit collectif, à la définition d’une destination qui fasse sens pour le plus grand nombre et dont l’idée engendrerait une envie forte de s’y impliquer ? Pour cela, nous avons peut-être besoin d’un autre modèle politique et surtout d’autres énergies pour l’incarner. Il nous faut aujourd’hui l’émergence de ce que je nomme des « utopistes pragmatiques », des personnes capables de voir dans nos crises autant d’opportunités de développer un modèle de société plus vertueux, des femmes et des hommes qui s’engagent en politique avec le désir absolu de se réaliser en servant envers et contre tout le bien commun et plus les intérêts « partisans » qui ont trop longtemps gangréné nos démocraties. Pour définir un nouveau but, une nouvelle destination collective, pour éviter l’effondrement déjà annoncé par le club de Rome en 1974 et permettre l’avènement d’une nouvelle renaissance comme celle qui succéda au Moyen Âge, il nous faut comprendre les choix et comportements erronés qui nous ont conduits dans cette impasse. Les causes sont certainement multiples, mais il en est une qui me semble évidente : nos crises actuelles sont aussi et surtout des crises de leadership et de gouvernance. Nous avons eu trop de leaders au pouvoir et pas assez au service, trop de leaders cultivant l’amour du pouvoir en lieu et place du pouvoir de l’amour, celui que les Grecs anciens nommaient l’amour Agapè : l’amour inconditionnel de la vie, de l’humain, la conviction que la vie a un sens et que demain sera plus juste qu’aujourd’hui.
Parce que le modèle économique et particulièrement la finance sont dominants dans notre société, j’ai passé ces quinze dernières années à essayer d’identifier les solutions pratiques à nos problèmes, mais aussi, et surtout, à accompagner les dirigeants qui étaient les acteurs au quotidien de ce modèle. Il est peut-être déjà trop tard, mais les choses bougent et l’on voit émerger un peu partout une nouvelle conscience, avec d’autres envies en matière économique. La notion de PIB comme indicateur ultime de la santé d’un pays est enfin contestée, l’idée d’une économie régénératrice et non plus prédatrice fait son chemin et commence à être enseignée dans les meilleures écoles de commerce. L’heure est peut-être venue de changer profondément notre modèle de société et surtout les modèles politiques qui le régissent.
La politique est bien plus qu’un jeu de pouvoir. C’est le moyen par lequel nous codifions notre vivre ensemble, par lequel nous décidons collectivement de notre avenir. C’est un instrument puissant pour garantir que chaque individu puisse s’élever dans la dignité. C’est pourquoi elle mérite d’être réinventée pour servir véritablement le bien commun.
Ce livre explore ces idées et bien d’autres encore. Il nous rappelle aussi que nous avons le pouvoir de façonner notre avenir collectif, que la politique n’est pas une affaire réservée aux politiciens, mais une responsabilité que nous partageons tous.
Il est temps de repenser la « gestion de la cité », de la ramener à sa véritable mission : servir et garantir le bien commun. C’est un défi audacieux, mais il est à notre portée si nous nous engageons collectivement à faire de la politique un outil de progrès, de justice et de durabilité. En tant que citoyens, nous avons le pouvoir (ou peut-être le devoir, au vu de l’urgence) de réinventer notre démocratie, de réimaginer notre société et de forger un avenir meilleur pour tous et particulièrement pour les générations futures à qui nous empruntons cette belle planète.
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe aujourd’hui en politique une nouvelle génération qui a soif d’autre chose et l’envie d’incarner ce nouveau modèle… Christophe De Beukelaer en est certainement une figure de proue.
Guibert del Marmol,
Bruxelles, le 10 novembre 2023
« Au-delà du bruit- dix solutions pour notre avenir » de Christophe De Beukelaer est disponible en librairie et sur notre e-shop :