Le phénomène René Collin révélé en un abécédaire

René Collin, le politique omniprésent, se met au coin du feu pour raconter ses 42 ans de vie politique dans un livre bientôt en librairie.

Il sort le bouquin R comme … René (c’est lui qui a choisi le titre) aux éditions Weyrich. « Pas comme s’il s’agissait de mes mémoires ; je n’en ai pas la prétention, mais pour raconter ce qui a émaillé mon parcours durant toutes ces années en politique », avertit-il.
Quel intérêt alors ? Les esprits chagrins et ses ennemis politiques soupireront en taxant ces feuilles de « souvenirs d’anciens combattants » ou encore s’exaspérant d’ « encore voir le nom de Collin dans les gazettes », etc.
On ne peut pas leur donner tort. Mais à la lecture de ce bouquin atypique en ce sens où il est écrit en suivant les lettres de l’alphabet via un mot cher à l’auteur pour chacune des lettres, on ne peut qu’apprécier la franchise de cet homme de chez nous et la bonhomie qui transparaît.

Quadruple pontage et peste porcine

Quand on referme son livre, une chose nous reste à l’esprit : la lettre Q à laquelle il a associé le mot Quadruple, comme quadruple pontage coronarien qu’il a subi voici un peu plus de 10 ans.
Sans être donneur de leçon, il regrette de n’avoir plus fait de sport et d’avoir mené une vie de bâton de chaise, toujours le nez dans le guidon jusqu’à l’incident cardiaque aigu. Puis, il y a l’espoir, après avoir subi cette lourde opération, de revivre à travers le sport et une meilleure hygiène de vie et même de retrouver toutes ses forces au point d’accepter le poste de ministre que lui propose Benoît Lutgen. Pas de tout repos l’agriculture et le tourisme puisqu’il faut gérer d’emblée la crise de la peste porcine africaine dont il dit à ce propos : « J’avais 7 à 8 réunions par jour avec tous les secteurs concernés par cette peste porcine : les chasseurs, les exploitants forestiers, le tourisme, les scouts, le DNF, les vétérinaires, les éleveurs de porcs, etc. Et tout devait être mené de front parce que toutes ces matières devaient avancer en même temps. C’était très prenant et on a réussi à relever le pari en éradiquant cette maladie. Nous avons été cités en exemple par l’Europe entière et ça, on ne le sait que très peu. » Ingratitude du métier ? Sans doute, mais il n’en pipe pas un mot, comme il ne règle aucun compte dans ce livre : « J’aurais pu, mais ce qui m’a guidé, c’est de dire merci à toutes ces personnes que j’ai croisées et qui ont été importantes pour moi. Je ne citerai, sur le plan politique, que Guy Lutgen et Charles-Ferdinand Nothomb. »

De Fisenne à Namur

Cette sorte de testament politique, il le voit pourtant comme un nouveau départ pour lui : « J’ai donné tout mon temps, 7 jours sur 7, à la politique et je ne remercierai jamais assez mon épouse et ma famille qui ont eu une patience au-delà de ce qui est possible.
Il est temps maintenant, à 65 ans, de me retirer de tout. J’ai fait le tour de la chose publique et j’en suis fier. Mais on n’a qu’une vie et je vais continuer à faire ce que j’aime, comme aller au bois ou retaper la petite bicoque qu’on a achetée dans la Drôme provençale.
Et surtout, surtout, je n’aurai plus d’horaire, plus de contraintes imposées par telle ou telle fonction. »
Il redevient le petit gars de Fisenne, un peu marchais, mais surtout ardennais jusqu’au bout des ongles.
Et si en fin de compte, ce bouquin n’était pas la démonstration que tout est possible pour tout le monde, quelle que soit sa situation ?
Car voilà un garçon qui n’était pas « un fils de », mais un gamin de village dont le papa était facteur et qui a réussi à décrocher un diplôme d’avocat tout en continuant parallèlement un mandat communal avant de grimper dans un exécutif provincial, puis régional.
Il n’y a pas que de l’autre côté de l’Atlantique que tout est possible.
Le rêve wallon existe aussi.

À chaque lettre de l’alphabet, un mot et les souvenirs qui s’y rattachent

En trois lettres, quelques extraits de l’abécédaire de René Collin :

C comme campagne : « La campagne de 1985 est une des dernières campagnes où l’on peut distribuer des gadgets. Grâce à mon pote Yves qui travaille aux Trois Suisses, j’ai acheté des boules de laine qu’on entoure d’un bandeau “vous tricoterez en pensant à moi et vous voterez pour moi”, en français et en wallon … Est-ce l’effet boule de laine ? En tout cas, avec le meilleur pourcentage de vo’x de la province (28,5 % des voix), je deviens conseiller provincial. Je suis élu en même temps que mes amis Christian Dourt et Yves-Marie Renard élus dans le district de Marche. »

E comme équipe : « La politique est un travail d’équipe. Guy Lutgen est mon autre père en politique. Avec Charles-Ferdinand Nothomb, le contraste est pourtant saisissant. Tout les sépare ou presque. Presque seulement parce que l’essentiel les unit : une même fidélité à leurs valeurs, à leur parti, un même attachement viscéral à leur Luxembourg et au monde rural, une même volonté d’agir pour faire avancer les choses. Ce qui les sépare, c’est tout le reste: les origines, le style, le tempérament, les goûts. L’un est fils de baron, l’autre issu du monde paysan. L’un est altier; solitaire, sobre, l’autre est populaire, séduisant et bon vivant. Tous deux redoutables orateurs, l’un convainc par ses idées, l’autre rallie par son charme et la sincérité de sa conviction qui portent ses idées. »

S comme sport : « Jean-Michel Saive a accepté d’être mon collaborateur avant de devenir le patron du Comité olympique ; savoir-faire et savoir-être, gentillesse et humour évidemment. Je n’étais pas peu fier d’échanger quelques balles avec lui, en Chine ou à la Foire de Libramont. J’ai aussi eu la chance de compter Thomas Chatelle parmi mes collaborateurs. Non seulement le Plan Football pouvait compter sur son expertise, mais en plus il m’a proposé l’opération Parents Fair-Play qui, depuis, continue d’être bien nécessaire.
Autre génération : Gaston Roelants, champion olympique à Tokyo en 1964 sur 3 000 mètres steeple, avec lequel je corresponds au moins à chacun de ses anniversaires et qui, à plus de 85 ans, est encore un ambassadeur passionné du sport belge.
J’ai connu Nafissatou Thiam à ses grands débuts. Avec Thomas Nikiforov, le judoka, elle avait accepté ma proposition de participer à une campagne de promotion du lait.
Évoquer Naft Thiam, c’est aussi penser immédiatement à mon ami Roger Lespagnard. Je l’ai vu pour la première fois, décathlonien, à la télé. J’avais 10 ans et je me passionnais pour les JO de Mexico. Etc. »

Un article signée Philippe Carrozza paru
dans l’Avenir Luxembourg le vendredi 26 janvier 2024

« R comme… René » de René Collin est disponible en librairie et sur notre e-shop :

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