L’art du mensonge

Le marché de l’art, celui qui fait l’objet de placements et de spéculations, est un monde à part souvent auréolé de mystère qui flirte avec celui de l’argent sale en quête de blancheur, des enchères qui dépassent l’entendement, des vols spectaculaires, des œuvres de faussaires plus vraies que vraies. Bref, un univers qui se prête idéalement à prendre place dans la collection « Noir corbeau » dont voici un nouveau volume.

Tout débute à la côte belge où nous retrouvons Max Kevlar, le détective privé déjà en action dans deux autres romans de l’auteur. Il prend un peu de loisir dans la station huppée de Knokke-Le Zoute à la fin d’une enquête délicate et rejoint Isabelle, une amie journaliste complice de longue date. À deux, ils se rendent au vernissage d’une exposition dans une galerie d’art de renommée internationale. Alors que les invités triés sur le volet déambulent verre à la main dans une ambiance feutrée, Geerd Gaste, l’artiste auquel l’exposition est consacrée, brise la quiétude des lieux en criant au scandale : deux œuvres exposées sont des faux ! De quoi ternir dangereusement la réputation de la prestigieuse maison Babbel et, surtout, plonger Max Kevlar dans une nouvelle enquête puisqu’il est sollicité immédiatement pour mettre fin à ce qui ne peut être qu’un malentendu. Car il est apparemment absurde qu’un artiste d’une telle renommée mette en cause ses propres œuvres lors d’une exposition préparée avec minutie.

La suite du roman ne fera que démentir cette évidence et conduira le détective sur de nombreuses voies sans issue. D’abord parce qu’il s’avère très vite que la famille Babbel, dont le réseau mondial de galeries s’est construit sur base d’une collection rassemblée par le père décédé, est profondément divisée. Et que l’un des fils s’apprête à lancer une opération immobilière d’ampleur à Dubai en jouant cavalier seul et en engageant la fortune familiale. Mais surtout, au terme de nombreux contacts portant sur les circonstances de la création des deux œuvres contestées, Max Kevlar, qui est menacé dans sa vie privée et celle de ses proches, va découvrir l’insoupçonné tandis que Geerd Gaste lui-même est assassiné en cours d’enquête et que la galeriste de Knokke échappe de peu à un incendie criminel.

Avec Le jardin des délices, Joseph Annet nous donne un récit rondement mené au style fluide qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière ligne. Alors que l’affaire semblait devoir être élucidée en quelques heures, elle file entre les mains des protagonistes et livre ses impasses avant de révéler un enchevêtrement d’enjeux qui dissimulent l’origine des faits. De quoi nous permettre de côtoyer au plus près les mécanismes de la création, dont celui de la muse en retrait, du commerce de l’art et de ses acheteurs aux motivations diverses.

Thierry Detienne pour Le Carnet et les Instants, le 26 septembre 2024

« Le jardin des délices » de Joseph Annet est disponible en librairie et sur notre e-shop :

Partager :