« L’âme sensible de la nouvelle » de Benoît Piedboeuf dans Petites histoires à veiller couché
« Ses portraits sont justes car Benoît Piedbœuf a puisé son inspiration dans des rencontres de la vie réelle pour raconter une histoire qui se termine toujours bien », par Dominique Zachary (L’Avenir Luxembourg)
Piedboeuf, l’âme sensible de la nouvelle
Homme politique, Benoit Piedbœuf aime aussi écrire. Son 1er recueil de nouvelles charrie émotion et lien social.
Caprasse. Piedboeuf. Ne croyez pas que c’est un effet mode, pour les hommes politiques ou anciens responsables, de se mettre à l’écriture et publier des livres. Ils ont, non pas la guitare qui les démange, mais tout simplement l’envie d’écrire des histoires qui leur trottent dans la tête. Et les partager vers un public de lecteurs et lectrices. Nous avons ainsi dit dans ce journal, fin février déjà, tout le bien que nous pensions du premier roman de l’ancien gouverneur de la province, Bernard Caprasse, Le Cahier orange. Chez le même éditeur, Weyrich, c’est à présent Benoît Piedbœuf, député-bourgmestre de Tintigny, qui publie un joli recueil de nouvelles intitulé Petites histoires à veiller couché. Quatorze nouvelles qui sont surtout des portraits humains de personnes cabossées par la vie ou qui n’ont plus que l’horizon du ciel suspendu à la mer ou le dernier train du soir pour noyer leur solitude.
Léon, Lucien, Anatole
Avec beaucoup d’émotion positive et aussi de grands jets de lumière, Benoît Piedbœuf décrit ainsi la vie de personnages auxquels on s’attache, tels Léon, le petit vieux avec son pardessus râpé qui vient nourrir chaque jour les oiseaux ; Anatole, un SDF qui se fait tout beau pour assister en cachette à un concert de musique classique ; Lucien, véritable mère poule pour ses corésidents de la maison de repos ; ou encore Giorgio, le coiffeur à la générosité de cœur aussi grande que l’arabesque de ses coups de ciseaux. On a souvent la larme à l’œil en tournant les pages de ces nouvelles. « Moi aussi, quand je me relisais, il m’arrivait d’être ému par ce que je venais de rédiger», confesse lui-même l’auteur.
Après des rencontres
Ses portraits sont justes car Benoît Piedbœuf a puisé son inspiration dans des rencontres de la vie réelle pour raconter une histoire qui se termine toujours bien. Giorgio, c’est son coiffeur italien. Léon, c’est un petit vieux qui cherchait désespérément ses centimes dans sa poche pour payer un pain à une boulangerie de Bruxelles. Quant à Sambre, c’est un ancien gamin qui était placé au home de Lahage, en Gaume. Le reste est fruit de l’imagination de l’auteur. Tout est affaire de cœur dans ce livre. Et de famille. Maxime Piedbœuf, l’oiseau trop vite envolé, est au creux de ces pages. Quant à Yves Piedbœuf, frère de Benoît, artiste plasticien, il agrémente de quatorze jolis dessins ce recueil qui nous incite à croire en la vie et aux aubes naissantes.
Interview
« J’ai de la tendresse pour les fêlures. J’ai de la tendresse par rapport aux besoins, aux manques, aux fêlures, aux frustrations. » Benoît Piedbœuf, à cœur ouvert…
Quand trouve-t-on le temps d’écrire un recueil de nouvelles quand on est bourgmestre à 61 ans, député fédéral, qu’on passe beaucoup de temps sur les routes ?
Oui, j’ai très peu de temps, mais parfois me vient l’envie, parce que j’ai commencé un jour. J’écris alors tard le soir, souvent de 22 h à 1 h du matin. Il faut aussi que cela corresponde à une envie et donc à une énergie, mais une fois que je commence, je termine.
Vous arrive-t-il de dormir ?
Cinq à six heures par nuit. Parfois huit le week-end.
Pourquoi ce titre « Petites histoires à veiller couché » ? Parce que vous êtes vous-même insomniaque?
Le titre vient par opposition aux « histoires à dormir debout », parce que je pense que mes textes correspondent à la vie, à la nature profonde de beaucoup de gens et qu’elles ne sont donc pas à dormir debout. Je suis convaincu qu’il y a plein de choses positives en chacun, qu’il n’y a pas que l’égoïsme, mais qu’il est parfois très difficile d’extraire l’empathie et la bonté des postures du quotidien et des aléas de la vie.
D’où vous vient cette tendresse profonde pour les personnes âgées, isolées et pour tous « les cabossés de la vie », qu’on retrouve beaucoup dans votre livre ?
Probablement de la philosophie qui se trouve derrière l’œuvre de Simenon et qui se résume par cette phrase qui est une de mes maximes de vie, « Comprendre, ne pas juger ». Derrière les comportements, il y a toujours une histoire qui les a amenés et que personne ne connaît. Il y a des chemins malheureux, des manques de chance, des erreurs ; si on n’est pas une personnalité forte, on ne se remet pas. Le reste, c’est de la tendresse par rapport aux besoins, aux manques, aux fêlures, aux frustrations. Moi, je suis bien équilibré, mais je rencontre plein de gens qui le sont moins et qui ont besoin d’aide, de conseil, d’un bras pour traverser la vie.
Vous dites sur votre site qu’en matière artistique, « l’envie vous démangeait de passer de l’autre côté du cadre »
D’habitude, je présente le travail des autres, je regarde, j’écoute les talents artistiques, j’applaudis. L’écriture, depuis des années on me la suggérait, mais je n’ai jamais trouvé que j’en avais l’imagination, même si quand je fais des discours, présentations, éditos, j’ai une poésie foncière qui peut se déployer parfois dans des allégories, images. L’envie est venue par une première nouvelle, Merveille, que j’ai présentée à la Maison de la Francité (Bruxelles) et où j’ai été sélectionné. Je me suis dit alors que cela pouvait avoir un intérêt.
D’autres ouvrages en vue ?
J’ai en tout cas commencé un 2e recueil de nouvelles, c’est un genre qui me convient. Je suis aussi tenté d’écrire des choses sérieuses pour les enfants parce qu’ils ont une telle capacité de compréhension et d’apprentissage, comme dans Victor et Jonquille. ■ D. Z.
Un article de Dominique Zachary,
paru dans l’Avenir Luxembourg le mercredi 14 octobre 2020
« Petites histoires à veiller couché » de Benoît Piedboeuf
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