La mine d’or de Bernard Gheur
Marie-Hélène, qui fut professeure de français en région liégeoise, nous livre ses impressions de lectrice de « La Grande Génération ».
En ce mois de novembre où l’on célèbre « le livre belge francophone », je viens de terminer l’attachant récit de souvenirs familiaux dédié par l’écrivain liégeois Bernard Gheur à son frère aîné qui n’est plus. Avec autant de pudeur que de tendresse, Bernard Gheur nous y ouvre l’histoire de sa famille, dont il dresse un précieux arbre généalogique couvrant trois générations.
À sa disposition, mine d’or pour l’écrivain, des albums de photos – ainsi celle choisie pour la couverture dont l’auteur dit aimer « l’air sérieux des deux gamins qui contraste avec la mine enjouée des grandes personnes », et des lettres. Lettres d’amour qu’ont échangées ses grands-parents, retrouvées dans des boîtes à chaussures, à la mort de Marthe. « Chante, ris et sois gaie comme moi (… ) pensant au charme de nous revoir et nous aimer » écrit Ernest à sa jeune femme…
Lettres, nombreuses, de Paula dont souvent « la plume s’envole » vers sa jeune sœur, y retraçant la vie quotidienne dans un style enlevé, qu’il se fasse grave pour affirmer, pendant la guerre, son « attachement à la vie », ou vif et enjoué lorsqu’elle évoque ses jeunes enfants. À les lire, l’on se dit qu’était… écrite… la vocation de son fils Bernard, à qui d’ailleurs elle les confia.
Des photos, des lettres et tant de souvenirs au cœur ! Ainsi de ces moments privilégiés partagés avec son père à qui l’auteur s’adresse, « seul à seul », pour « se donner de l’élan » au début de son récit. Armateur fluvial, il fut aussi le courageux lieutenant John, prisonnier de guerre en Allemagne – « /il/ faisait partie de la Grande Génération comme disent les Américains. Ceux qui sont nés entre 1905 et 1925. Ceux qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale » – et, libéré, s’engagea dans l’Armée Secrète.
Mais au fil des pages que parsèment titres de livres et citations cinématographiques, il est aussi des histoires charmantes, des anecdotes amusantes – j’ai un faible pour celle des deux frères lisant chacun à leur tour une page de Tintin sur les marches d’escalier ! -, de plaisantes évocations de « la gaîté insouciante » des enfants Gheur. Le tout dans des lieux familiers aux Liégeois, des quais de Coronmeuse à la basilique de Cointe, de la place Saint-Barthélémy à la rue Saint-Gilles.
« Un livre auréolé de grâce » écrit Francis Matthys (Libre.be, 21-10-2024), dont le tendre épilogue m’a mis, à moi aussi, les larmes aux yeux.
Marie-Hélène Lespire-Béghin
« La Grande génération » de Bernard Gheur est disponible en librairie et sur notre e-shop :