La Grande Fugue – Ziska Larouge
Mélodie, mésentente, coup d’archet fatal et un zeste de névrose, voire davantage. Voilà les savoureux ingrédients du polar concocté par Ziska Larouge. Attention, ça décoiffe !
Pour la petite histoire, « La Grande Fugue », c’est la composition ultime de Beethoven. Ultime, parce que dernière création du maître et parce qu’à ce point innovante, anticonformiste et audacieuse qu’elle est restée, près de deux cents ans après sa création, incomparable et insurpassable. Souvent incomprise aussi. Une tension dramatique toujours à la limite de la rupture, presque crispante mais toujours contenue. Bref, un chef-d’œuvre sur le terrain duquel ne s’aventurent que les virtuoses particulièrement habiles et les mélomanes avertis. D’ailleurs, l’Archiduc Rodolphe, le prestigieux mécène de Beethoven et dédicataire de l’œuvre, aurait dit à ce dernier à l’issue de la création publique : « Tu es encore plus sourd que je pensais… »
« La Grande Fugue » justement, c’est l’œuvre signature du répertoire des Barrées, un quatuor imaginé par Ziska Larouge, composé de quatre filles merveilleusement douées et dont Wanda Barrazzini est la violoniste. Une artiste au talent exceptionnel. Insurpassable, encore une fois. À tel point que le Philharmonique de Berlin, pas moins, cherche à la recruter. Et de la tension dramatique, il y en a une belle épaisseur ici aussi : l’harmonie entre les quatre musiciennes n’est pas aussi mélodieuse à la ville qu’à la scène. Et cette tension va, au contraire de la grande fugue de Beethoven, aller jusqu’à la rupture. Une rupture d’une nature particulièrement crapuleuse : le meurtre.
Et voilà l’inspecteur Gidéon Monfort, paraplégique caustique flanqué de Tocard, son improbable bâtard de chien (sorte de voix off et de conscience morale blessée dudit inspecteur), dépêché par une juge d’instruction pas mal déjantée, pour une enquête qui va nous balader six jours durant dans Bruxelles. Six jours tout compris, pour une bonne dose de plaisir !
Le talent, Ziska Larouge avait déjà démontré le sien, qui n’est pas petit, dans divers romans et nouvelles, notamment « Les chaises musicales », « Au diable » et « Hôtel Paerels » parus chez Weyrich (collection Plumes du Coq). Cette touche-à-tout (et elle a bien raison) nous donne cette fois une bonne claque de fraîcheur, grâce à une plume délicieusement irrévérencieuse -le registre du polar se prête à merveille au style un peu désinvolte-, des personnages bien campés, hauts en couleur et, pour certains, passablement ébouriffés (les vies cabossées créent des esprits contorsionnés…) et une intrigue bien menée.
Personnellement, je n’ai qu’un conseil à vous donner : jetez-vous dessus, sur le roman s’entend. Vous allez le dévorer. Et avec pareil compagnon, on ne voit pas le temps passer. L’idéal pour la pause d’été !
Baudouin Delaite
« La grande fugue » est disponible en papier et numérique, en librairie sur notre e-shop : https://www.weyrich-edition.be/grande-fugue-ziska-larouge