Imaginer, raconter, méditer
« La Dérive des sentiments » lu pour Le Carnet et les Instants
« La mort de Barbara fut un écroulement. Elle enténébra le cœur du chevalier, ombra son esprit, fissura son âme. »
Le livre de Bernard Caprasse, La dérive des sentiments, s’ouvre tragiquement. L’épouse du chevalier Jean de Sterpigny meurt en mettant au monde l’enfant qu’ils attendaient avec une ferveur heureuse.
La petite Héloïse est d’abord rejetée par son père, muré dans sa douleur. Mais, au fil du temps, elle se rapproche de lui. Une affection complice se noue entre Jean de Sterpigny, qui se définit ironiquement comme « un hobereau rivé à ses terres », un vaste domaine ardennais entourant un manoir, et sa fille, née avec un pied bot qui ne l’empêche pas d’être agile et ne la tourmentera que plus tard, sous le regard des autres : à l’école où ses condisciples la surnomment « boitillon » ; au bal, où les danseurs se font rares.
Le cœur sage, ingénu, d’Héloïse s’enflamme pour Louis Taverneux, qui n’est pas de son monde, un marchand de bétail qui l’a hélée lors d’une foire à bestiaux qu’elle se plaît à fréquenter. Ils se revoient. Elle frémit d’une vive émotion amoureuse, s’enchante d’une joie de vivre toute nouvelle. N’écoute pas les mises en garde (le seul horizon de Louis serait de faire fortune, et son cœur est volage).
Héloïse, première héroïne du roman de Bernard Caprasse. Dans son sillage, nous croisons de nombreux personnages très contrastés, parmi lesquels l’attachant Bertrand, petit-fils du chevalier ; Charlotte, sa bien-aimée, généreuse, idéaliste.
Un roman touffu, foisonnant, qui brasse les caractères, les événements, les révélations, les machinations aussi, les drames…
Mais s’éclaire de notations fines, de descriptions limpides. « Le terrien de son côté aimait à profiter de la patience des arbres. » « Il ne neigeait plus. Le soleil arrosait les champs dont la blancheur retournait vers l’infini une lumière cristalline. » Et ne craint pas des méditations originales et sagaces.
« Fuir est un enfermement. Sans répit, le fugitif est aux aguets. Il craint d’être reconnu, redoute les trahisons, apprend des bruits, scrute les visages, se méfie de ce qui dans l’air paraît anormal et plus encore des calmes trompeurs. »
« Elle choisirait son destin, seule, libre, déterminée. Mais il arrive que ce soit le destin qui choisisse pour vous. »
Francine Ghysen pour Le Carnet et les Instants :
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