« Gaume » de Jean Mergeai
Cette petite portion de territoire, tout au sud de la Wallonie, et sur laquelle le pays tout entier semble, aux yeux de Jean Mergeai, venir prendre appui, c’est la Gaume. Une terre douce, particulièrement favorisée par son exposition au soleil et par la composition de son sol, qui a donné aux Gaumais leur caractère charmeur et enjoué.
Si vous vous demandez ce qu’est la Gaume, ce qui la différencie si radicalement de l’Ardenne ; si vous vous émerveillez devant la courtoisie de ses paysages, si vous vous étonnez du parler pur et du cœur réjoui de ses habitants, vous en trouverez les réponses et les raisons dans ce très beau texte, original et sincère, de Jean Mergeai.
Avec la finesse de son verbe et la pétillance de son regard, avec une tendre et légère nostalgie, l’auteur nous dépeint sa Gaume. Celle de son enfance et de ses aïeux ; celle où se sont transmis de génération en génération un art de vivre, un imaginaire et une ingéniosité spécifiques. Il fait le témoignage d’un monde aujourd’hui pratiquement disparu. Un témoignage pour garder vibrant un passé où toute une culture à su composer avec la simplicité, la densité et l’intensité de la réalité qui l’entourait et la faisait vivre.
Jean Mergeai en revisite tous les recoins, en nous plongeant parfois dans un passé très ancien : la géologie, la géographie, le climat ; mais encore le travail, la culture du sol et la sidérurgie, les jeux, les petites et grandes fêtes, les rites des jours gais et des jours sombres, la parler, le manger, l’imaginaire… Toutes ces manières de dire et de faire, de créer et de rêver qui font l’identité de sa région natale où la nature est l’amie de la lenteur.
Son fil conducteur, c’est le langage, le dialecte. Un choix judicieux, puisque la langue est l’expression même de l’âme ! Il nous fait ainsi entrer de plain-pied dans un pays, un monde, un univers tendre, poétique, parfois dur, souvent pauvre, où la quête de l’argent, la course au développement, à la croissance et à la surabondance sont encore étrangères. Une forme de sagesse, une joie et un art de vivre typiquement gaumais.
Cette saveur qui lui est propre, peut-être la Gaume la tient-elle en partie de sa proximité avec la France. C’est même très probable. Mais elle la tient certainement davantage de son climat et sa douceur de vivre qui donnent aux Gaumais leur gaîté naturelle, une propension à la farce et aux mots d’esprit. C’est là ce qui les distingue des Ardennais, forgés qu’ils sont par un climat plus rude, plus froid, par un sol ingrat et qui leur confèrent un caractère taiseux, peut-être distant et un sens de l’imaginaire et du merveilleux beaucoup plus « dramatique ».
La nostalgie qui habite Gaume de Jean Mergeai ne tourne pas le dos au présent ni à l’avenir. Elle ne les juge ni ne les condamne. Elle se veut simplement être un lien entre eux et permettre une prise de conscience. Les solutions qui régleront les défis d’aujourd’hui et de demain peuvent trouver dans celle-ci leur inspiration et leur élan. Et finalement, ce livre constitue une très belle et très émouvante introduction à toute son œuvre.
Baudouin Delaite
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