Entretien avec Catherine Barreau, prix Rossel 2020

Ce jeudi 10 décembre au soir, le jury du prix Rossel a annoncé les résultats des délibérations : La Confiture de morts de Catherine Barreau, paru au printemps 2020 dans la collection Plumes du Coq, a reçu le prestigieux prix annuel ! Dans cet entretien, réalisé quelques jours avant l’annonce, l’auteure s’est confiée sur ses motivations d’écriture et sur les écrivains qui l’inspirent.

Comment êtes-vous venue à l’écriture et ensuite, à faire publier vos textes ?

Imaginer des histoires, peaufiner des phrases, je le fais depuis toujours, en tous cas, j’en ai un souvenir précis à cinq ans. Dans le passage à l’écrit il y a beaucoup d’endurance, de relecture, de frustration, mais aussi de la jubilation quand le bon mot est trouvé, quand un rythme est loyal au texte, quand un personnage m’impose une action. Et il faut prendre le temps, dépasser l’autocritique, assumer une audace. Je ne connais personne dans le milieu de l’édition et des médias, il est très difficile de garder le cap quand on reçoit des dizaines de lettres de refus ou des silences. Alors, quand Christian Libens et Alain Bertrand (à qui je voudrais rendre hommage) ont accepté mon manuscrit pour Weyrich, j’ai éprouvé une grande joie, et on a bu un Orval.

Vos personnages (L’Escalier et La Confiture de morts) ont un rapport particulier au réel. Entre “réalisme magique” et parfois une dimension “surnaturelle” ou “poétique”; vous semblez donner aux personnages et au contexte où ils évoluent une réalité plus riche que celle de leur apparence. Quel attachement entretenez-vous avec cette dimension, comment motive-t-il votre démarche et comment influence-t-il votre écriture ?

La réalité est plus riche que l’apparence qui est une simplification opérée par notre cerveau ; je ne fais qu’observer et relier. Je pense que la lecture boulimique de contes et d’histoires, dans mon enfance, et mon goût pour les écrivains latino-américains ou des auteurs comme Jean Ray ou André Dhôtel m’ont habituée à cette réalité différente, qui pour moi n’a rien de surnaturel. Ce qui me parait étrange, c’est quand la cupidité et le narcissisme sont érigés en valeurs.

Comment naît en vous la nécessité d’un récit ?

Je commence toujours avec une sensation et une surprise, le besoin de créer une histoire, comme les enfants ont besoin de jouer pour apprendre le monde.

Vous donnez à vos récits une atmosphère intimiste, où les aspérités de vos personnages prennent un écho particulier. Pourquoi avoir fait de cette intimité intérieure un fil rouge qui traverse vos deux livres parus chez Weyrich ?

J’aime coller au plus près de mes personnages, pour cela, je dois les laisser prendre la main. Je rêve d’eux. Parfois, dans mes rêves je suis eux. Je me mets à parler comme eux quand j’écris, mais j’aime aussi l’action, les sensations et pour en rendre compte dans la peau du personnage, je dois les connaître, même si je ne rends pas compte de tout ce que je sais.

Parmi les écrivains d’hier ou d’aujourd’hui, quels sont vos modèles, si vous en avez ?

Flannery O’Connor, Julien Gracq, Pierre Michon, Ludmila Oulitskaia, Louise Erdrich, Faulkner, Jørn Riel, Raymond Carver, Agnès Desarthe…
Je vous les énumère comme ils viennent, il y en a beaucoup plus.

Quel serait pour vous le livre parfait ou idéal ?

Un livre parfait serait emmerdant (« L’imperfection est la cime » Yves Bonnefoy). Le livre idéal m’a empêchée d’écrire pendant plus de quarante ans, il a fait de moi une débutante tardive. Je lui en veux.

Avec L’Escalier et La Confiture de morts, vous abordez ici le registre du roman. Qu’en est-il de la nouvelle, de la poésie, du théâtre ?

J’ai commencé par des nouvelles (Les ombres se penchent, Edilivre), personne ne voulait les éditer, c’est un livre très spécial que j’aime beaucoup. J’adore lire et écrire des nouvelles. J’ai déposé une nouvelle sur le Projet Borges de Jean-Philippe Toussaint.

J’aime tellement la poésie que j’ai peur d’en écrire, j’ai peur qu’elle ne m’aime pas. Une sorte d’amour à sens unique.

Pour le théâtre, il faut maîtriser une technique que je n’ai pas. J’aimerais donner vie à des personnages et à des histoires qu’on pourrait représenter sur scène, incarner dans des acteurs, un décor, des lumières, un espace-temps clos.

Un projet en cours ?

Trop de projets et pas assez de temps.
Je dois choisir dans quelle aventure je vais m’embarquer, dans quel monde et avec qui je vais passer des mois et peut être des années. Je remercie déjà mes proches qui vont devoir supporter mes distractions, mes insomnies, toutes sortes d’humeurs et d’absences.

Une interview de Baudouin Delaite.

« La Confiture de morts » de Catherine Barreau, roman lauréat du prix Rossel 2020, est disponible en librairie et sur notre e-shop :

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