Deux destins qui auraient dû ne jamais se croiser

Moussa vient d’arriver à Bruxelles au terme d’un périple fou depuis sa Guinée natale. Mû par l’espoir de gagner l’Angleterre et d’y trouver un avenir meilleur, il erre dans la grisaille de la ville, affamé jusqu’au vertige, sans endroit où loger autre que les abris de carton où il croise ses semblables.

Marleen a la soixantaine tristounette, elle est veuve et vit seule, les enfants ont quitté la maison et ne donnent plus de nouvelles. Elle sait qu’elle finira sa vie sans réel souci matériel, mais elle souffre de solitude. Ses seuls contacts se résument aux commerces du coin et au bistrot où elle est bonne cliente, et au face-à-face avec son écran de télévision. Sans réelle perspective réjouissante.

Lorsque Moussa l’aborde devant sa porte alors qu’elle revient du café, un rien pompette comme elle aime le dire, et qu’il lui demande à pouvoir loger pour une nuit, elle le laisse entrer et lui prépare un thé. Le temps de jauger le jeune homme qui est face à elle, elle accepte de lui offrir le gîte dans la chambre de son fils, qu’elle s’empresse de fermer à clé. On ne sait jamais.

La suite est une forme d’apprivoisement entre ces deux naufragés. Le temps pour lui de mesurer sa chance, faute de mieux, et pour elle de constater que son esseulement est désormais rompu. Entre eux, la vie nouvelle s’organise, les tâches se répartissent, il fait les courses, partage la préparation des repas et se montre docile. Et elle ne reste pas insensible au charme de cet homme jeune, en pleine forme. L’intimité quotidienne partagée fera le reste…

Mais il y le monde extérieur qui se rappelle à elle quand elle franchit la porte de son café, qu’elle croise ses semblables. Elle mesure alors que l’équilibre trouvé est fragile, qu’il ne tient qu’au secret difficile à tenir, d’autant que son regard brille d’un bien-être retrouvé qui n’échappe pas aux habitués du café qu’elle continue de fréquenter avec assiduité. Lui aussi est rattrapé par le monde du dehors alors qu’il est de sortie, et qu’un de ses anciens compagnons d’infortune lui reproche de ne pas partager le bon filon trouvé. Le malheur conjuré est si près, en embuscade…

Avec Trouver sa place, Thierry Robberecht rassemble deux destins qui auraient dû ne jamais se croiser. Il trace les contours d’une association momentanée dans laquelle chacun trouve une forme de répit, sans penser au lendemain. Dans ce huis clos singulier, Moussa et Marleen esquivent les questions qui fâchent et mesurent les rapports de force qui régissent leur relation. L’auteur croque ce petit monde d’une plume acidulée, scrutant les conversations de bistrot, ne ménageant rien ni personne et prenant un malin plaisir à pointer les subterfuges et faux-semblants que nos semblables déploient pour rendre leur solitude moins cruelle.

Thierry Detienne pour Le Carnet et les Instants

« Trouver sa place » de Thierry Robberecht est disponible en librairie et sur notre e-shop :

Partager :