Découvrez l’histoire d’Une vie de renard
Franco Limosani et Alain Fournier signent Une vie de renard, un plaidoyer vibrant pour la défense de ce petit animal. Rencontre avec le photographe nature, amoureux de goupil depuis très longtemps.
Franco, vous publiez votre 3ème livre sur le renard aux éditions Weyrich (Sur les traces de goupil (2010), Pour l’amour d’un renard (2015)). D’où vient votre attachement pour ce petit animal roux ?
Tout a commencé en 2005, à la fin du mois de juillet. Il faisait très beau, j’étais à l’affût en train de photographier des chevreuils à la lisière d’un bois quand, soudain, je fus attiré par deux silhouettes au loin : deux jeunes renards en pleine émancipation. Ils se sont rapprochés petit à petit et j’ai pris le cliché qui allait tout changer.
Par la suite, j’ai voulu en apprendre davantage sur cet animal extraordinaire et mes sorties nature se sont multipliées. J’ai partagé mon travail sur des sites web orientés nature et le public a été très réceptif. De fil en aiguille, l’engouement s’est fait de plus en plus sentir auprès des amoureux de nature sauvage.
Comment le photographe animalier se prépare-t-il à partir sur les traces du renard ? Racontez-nous !
Je me lève tôt pour bénéficier des belles lumières de l’aurore, c’est à ce moment-là qu’on a le plus de chance de rencontrer le renard. En fonction du climat et de la saison, je me prépare pour un affût qui peut durer quelques heures et plus, allongé sur le sol ou caché derrière un treillis de camouflage dans la végétation ambiante. Discrétion absolue !
Sinon, j’opte pour une approche : une fois l’animal repéré, j’essaye de l’approcher sans faire de bruit afin d’immortaliser une scène de vie. Tout dépend de ce que je recherche comme image. Rien n’est le fruit du hasard.
Il est important de connaître parfaitement le terrain afin de savoir quel individu est présent. Chaque renard a son propre secteur de chasse. Je sors mon matériel, des habits sombres, un filet de camouflage et un monopode pour supporter de gros objectifs. Il n’est pas rare également que je travaille plusieurs jours au même endroit et à des heures bien précises afin d’immortaliser un seul moment… Patience est mère de vertu !
Pour mes escapades, j’ai toujours une paires de jumelles et une petite poire en plastique avec du talc. Ceci me sert à connaître l’orientation du vent, sans dégager d’odeur pour un animal qui aurait un odorat assez développé.
La période de fauche dans les champs est propice à l’observation du renard : une fois que les engins agricoles s’en vont, il est fréquent de voir goupil chasser le campagnol, pour mon plus grand bonheur !
L’hiver, l’affût est plus propice. En effet, le bruit de mes pas sur la glace ou la neige éveille toute une faune ! Si une neige épaisse et immaculée recouvre le sol et les arbres, la tenue blanche de camouflage est alors de rigueur…
Plus qu’un métier, c’est une passion… dévorante ! La passion d’une vie ?
Oui ! J’y ai consacré beaucoup de temps et fait de nombreux sacrifices… Mais quel bonheur de pouvoir vivre ces moments. J’ai la chance d’être bien entouré par ma famille, mon épouse est une femme très patiente et amoureuse de mon travail.
Une relation (intime ?) peut-elle se créer entre le photographe et l’animal, après de longues journées à s’observer ?
Il n’est pas rare que certains renards « tolèrent » ma présence… comme s’ils sentaient que je ne représente aucun danger. Il m’arrive parfois de vivre des rencontres formidables en communion avec la vie sauvage. Ce sont des moments privilégiés que je souhaite à tout le monde.
Pour en revenir à votre livre, combien de temps a-t-il fallu pour le réaliser ?
Cet ouvrage a nécessité près de deux ans de travail. Il fallait lier les photos au scénario et aux textes d’Alain. Les sorties sur le terrain ont été nombreuses, car je devais absolument obtenir, pour chaque saison, les meilleures photos.
Comment est née votre complicité avec Alain Fournier ? A-t-il écrit ses textes en fonction de vos photographies, ou l’inverse ?
Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans lors d’un festival, et une amitié s’est créée. Août 2017, le projet d’Une vie de renard était lancé. Alain connaissant déjà parfaitement mon travail, il a rédigé ses textes en fonction de clichés que je lui ai montrés. Ensuite, je suis retourné à l’affût afin de compléter l’album photo et coller au plus près de son scénario.
Comment le décririez-vous, ce nouveau livre ?
C’est l’histoire d’une rencontre hors du temps et des sentiers battus. Celle d’un photographe et d’une jeune renarde, d’un amoureux de goupil et de toute une espèce persécutée. Nous suivons une renarde et ses trois frères, au fil des saisons. Le livre est rythmé par mes photographies et les textes d’Alain.
Personnellement, je vois ce livre comme un plaidoyer vibrant pour la défense du renard, trait d’union entre les sensibilités et nos convictions. Il traduit notre espoir commun : qu’on en finisse enfin avec la traque dont il est l’objet.
Aujourd’hui, on prend régulièrement la défense de la cause animale (ex. : la chasse à l’homme lancée contre le tueur de la louve ardennaise). À votre avis, le regard de l’Homme a-t-il réellement évolué ?
Oui, et il était grand temps que ça change ! Depuis dix ans, grâce aux réseaux sociaux et à la presse, le sujet n’est plus tabou. Il faut faire connaître les pratiques monstrueuses réalisées sur les animaux.
Aujourd’hui, le regard des gens a changé. Je reste confiant pour la nouvelle génération, il faut les instruire et leur ouvrir les yeux sur cette problématique mondiale.
Pourquoi le renard traîne-t-il toujours une image plutôt négative ?
Malheureusement, le renard est un parfait bouc émissaire pour certains. Considéré comme nuisible, il peut être chassé toute l’année en Belgique. Beaucoup disent le « connaître », mais je vous assure que c’est loin d’être le cas.
Depuis la nuit des temps, dans les fables et les romans, on parle de renards fourbes, chapardeurs, croqueurs de poules… L’animal fascine et ne laisse personne indifférent : haine, admiration, amusement, agacement, telles sont les différentes perceptions qu’il suscite. Dans cet ouvrage, Alain et moi avons essayé de transmettre un message positif afin que le renard soit mieux considéré. Des lecteurs me disent parfois qu’ils ne voient plus le renard de la même manière : c’est pour moi la plus belle des récompenses !
Vous êtes reconnu pour votre engagement dans la cause du renard. Quel avenir peut-on envisager pour lui ?
Oui, je m’engage pour qu’on remette cet animal fabuleux à sa juste place. Le Luxembourg a changé sa politique depuis trois ans : le renard ne peut plus désormais y être chassé. Notre pays pourrait suivre cette voie. Je compte vraiment sur la nouvelle génération pour faire basculer les idées. Rendons à la nature sa juste place.
Pour vous, qu’est-ce qu’une vie de renard ?
Un combat de tous les jours pour survivre.
David Gustin
Une vie de renard est disponible en librairie et sur notre e-shop.