De l’art du respir

Frère Bernard-Joseph, de l’abbaye d’Orval, évoque la naissance du livre Respirer notre vie


D’où est venue l’idée de faire cet ouvrage?

Frère B-J.S : J’avais de mon côté le désir de partager certains textes, surtout « L’épopée du respir », un long poème plein de silence (au singulier !) et plein de silences (au pluriel !). C’est un texte un peu aride, il faut s’ouvrir à la lenteur, au blanc entre les mots, à la résonance que provoquent les mots… (comme un galet jeté dans l’eau…). Et j’ai rencontré Cécile Bolly et son art de la photo… D’où le projet de combiner mon texte avec ces photos qui donnent à voir, à entrer dans l’espace, qui permettent de découvrir en quelque sorte une architecture de silence.

Respirer notre vie. Méditation à Orval

Les photos correspondent à un lieu particulier de l’abbaye ?
Frère B-J.S : Oui, au jardin de pierre, un lieu aménagé il y a juste 15 ans. Il est le fruit de ma rencontre avec le zen. Cela fait exactement 20 ans que je suis allé au Japon, avec d’autres moines occidentaux, pour un échange spirituel : nous avons été accueillis dans divers monastères zen pour y partager durant quelques semaines la vie des moines bouddhistes. Notre jardin de pierre marie avec bonheur les deux styles, cistercien et zen, dans un même langage de simplicité, de sobriété, de dépouillement.

Qu’est-ce que cette rencontre vous a apporté ?
Frère B-J.S : Ce fut pour moi une expérience de beauté et de paix. J’ai goûté la sobre beauté des jardins de pierre. D’où l’idée d’en aménager un à Orval. J’ai aussi vécu comme un cadeau la découverte d’un plus grand silence du corps. Celui-ci m’est devenu un allié au service de la prière et de la méditation. Le corps immobile rend plus attentif au mouvement de la respiration qui l’anime. Je me découvre corps vivant, corps respirant, parmi les autres êtres vivants, tous animés par le souffle du respir.

Dans votre livre, il y a une place particulière pour le poète Guillevic…
Frère B-J.S : Depuis longtemps, je suis nourri par l’œuvre de ce poète (1907-1997), qui me rejoint dans ma quête spirituelle. Il dit de ses poèmes qu’ils sont des sculptures de silence. Il tient une place à la fois discrète et intense dans le jardin de pierre et dans le livre : une série de ses poèmes sont affichés dans le jardin pour suggérer l’esprit de ce lieu, et j’en cite aussi plusieurs dans mes propres textes.

Pourquoi avez-vous choisi ce titre-là ?
Frère B-J.S : J’avais pensé d’abord à « L’épopée du respir », mais cela ne concernait que le poème. Puis « Jardin de pierre », mais c’était peut-être trop énigmatique. Le titre finalement choisi, « Respirer notre vie », est plus large, il renvoie à une expérience que chaque lecteur peut vivre, désire vivre.

Le public peut-il visiter le jardin de pierre ?
Frère B-J.S : Je dirais que ce n’est pas un jardin à ‘visiter’, mais à ‘habiter’. Il est accessible seulement aux hôtes du monastère, qui peuvent y séjourner, l’habiter corporellement. Mais voici que, grâce à ce livre, le jardin devient portable, c’est un « un jardin portatif » !, et chaque lecteur peut y pénétrer, y séjourner, y habiter, simplement en parcourant et en contemplant calmement les pages du livre. Il est amené ainsi à mieux respirer sa vie. C’est, à mon sens, le message essentiel du livre. Apprendre à respirer notre vie. Le livre y invite par le rythme des mots (lus et intériorisés, répétés, savourés), par la mise en page, sobre et aérée (le livre respire par ses blancs) et également par l’orchestration des photos et textes : tout vise à induire dans le cœur du lecteur un climat de calme et de paix, à la mesure de son accueil ouvert.

Respirer notre vie est disponible à l’abbaye d’Orval, en librairie et sur notre e-shop : https://www.weyrich-edition.be/respirer-notre-vie-meditation-orval

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