De Charleroi à Liège en trois jours !
Après la prise de Mons et sa moisson de prisonniers, la course-poursuite des unités allemandes en retraite ne s’arrête pas pour autant. La progression des trois premiers jours de septembre a été telle que les réservoirs sont vides. L’ennemi est aux abois, il ne faut pas lui laisser l’occasion de se redresser. La 3rd Armored Division n’a pratiquement rien devant elle. Son commandant, le General-Major Maurice Rose fouette ses troupes. Le Westwall est à portée, il faut l’atteindre avant l’adversaire en fuite !
Namur via Charleroi
En démarrant le 4 septembre, Rose veut absolument éviter que la résistance allemande ait le temps de se raidir. Il donne l’ordre de foncer jusqu’à Namur afin de saisir une tête de pont de l’autre côté de la Meuse avant que l’adversaire ne puisse y installer un dispositif capable de bloquer sa course en avant. Ses troupes arrivent à Charleroi et traversent la Sambre avant même que les Allemands ne commencent à s’installer. En réalité, son CCA est seulement retardé par la foule en liesse qui lui fait perdre trois heures dans des embouteillages.
La cité carolorégienne est donc libérée sans difficultés. Un civil évoque ses impressions à ce moment précis, des sentiments qui pourraient être partagés par beaucoup de Belges en ces temps de liesse : Dans mon souvenir, la ville resplendit sur une colonne qui défile entre des badauds en liesse. La rue explosait. D’un seul coup, le malheur du monde et la malédiction du temps disparaissaient. Une promesse tenue et se déroulait devant le geste même de la métamorphose. […]
De Namur à Liège
Le 5 septembre, le centre-ville de Namur est libéré par surprise au petit matin. Le CCA détruit à cette occasion deux véhicules de commandement et fait de nombreux prisonniers. Cette action coupe littéralement en deux la 347. ID. […]
Dans la même journée, au sud de la Sambre, deux pelotons de fantassins de la Company E du 36th Armored Infantry Regiment traversent en éclaireur via un pont détruit. Lors de leur escapade, ils détruisent deux véhicules de reconnaissance et forcent l’adversaire à se replier. Au soir, les hauteurs surplombant la ville à l’est sont sécurisées. Ce qui permet, dans la nuit suivante, au 23rd Armored Engineer Battalion de construire une passerelle lourde au sud de la ville, juste en face de la citadelle sans être inquiété. Vers 22h45 le 5 septembre, la 7. Armee se rend enfin compte de la gravité de la situation à Namur. Et encore, elle ne sait pas tout : à ses yeux, le fleuve ne semble pas encore franchi. Par contre, la situation de la 347. ID est décrite comme critique. Elle a perdu beaucoup d’hommes et cinq de ses batteries d’artillerie. Dans les faits, elle se retrouve complètement hors d’état d’agir.
Le 6 septembre, la Meuse est définitivement franchie, il suffirait donc aux Américains de suivre le cours d’eau sur les deux rives pour libérer Liège sans rencontrer de résistance. Rose ne peut cependant pas exploiter son succès, car ses réservoirs sont à sec […]
Au moment où le General Rose décide de s’emparer de Huy, la 7. Armee saisit à peine l’ampleur de la catastrophe qui se déroule à hauteur de Namur. Elle est mise devant le fait accompli en découvrant que la 347. ID n’a plus que deux bataillons, l’un au nord et l’autre au sud de Namur. Entre les deux, il y a les troupes de la 3rd ArmD. Autant dire qu’elle ne peut strictement plus rien faire pour endiguer l’adversaire. La prise de Huy est rapportée à 18h05. […]
Liège, la dernière étape !
Rose n’est donc enfin prêt à redémarrer que le 7 septembre. La ténacité adverse lui semble de plus en plus sérieuse et il est urgent de profiter du désarroi allemand pour pousser plus en avant et saisir Liège, la dernière grande agglomération belge avant l’Allemagne. On ne peut lui donner tort, en effet le General der Panzertruppen Erich Brandenberger à la tête de la 7. Armee a décidé de résister à proximité de la ville dans le but de gagner le temps nécessaire pour faire du Westwall une position suffisamment forte pour résister. Son dispositif s’étire le long de la Meuse. Au nord, entre Briegden et Eijsden, se trouve la 275. ID. Elle est bordée au sud jusqu’à Argenteau par des sections de la 116. Pzdiv. La 49. ID renforcée par des éléments de 353. ID arrivant de Maastricht, défend le secteur jusqu’à Jupille. Liège doit être tenue par une Kampfgruppe de la 116. Pzdiv. Malheureusement pour Brandenberger, elle a été retardée dans son repli et n’est pas encore installée quand Rose envoie ses avant-gardes vers la ville le 7 septembre au matin.
Les CCA et CCR progressent le long de la vallée de la Meuse. C’est une manœuvre d’approche frontale sur un terrain de plus en plus vallonné et propice à la défensive. Le Brigadier-General Hickey commandant l’attaque précise dans son ordre du jour : Dans le futur, une résistance accrue et mieux organisée est attendue. Les contre-attaques peuvent devenir plus fréquentes. Il est impératif que quand la tête de la colonne rencontre une difficulté, le reste de la formation se déploie rapidement pour se mettre en défensive, et ce particulièrement quand des blindés ennemis sont présents.
Le CCB, quant à lui, avance par des routes secondaires et approche la ville à revers par un large crochet au sud-est. Il découvre un pont sur l’Ourthe laissé intact à Tilff, ce qui lui permet de progresser encore plus loin au sud de Liège et d’atteindre dans la soirée du 7 septembre les environs de Beyne-Heusay. Il est donc en position parfaite pour fondre sur Liège le lendemain, prenant à revers ses défenseurs. Pendant la journée, le groupement n’a rencontré pratiquement aucune résistance et saisit la partie sud de la ville à la complète surprise des Allemands qui n’ont pas encore fait sauter les ponts dans ce secteur, probablement pour se ménager un itinéraire de replis vers l’est.
La soirée du 7 septembre augure donc d’excellents résultats pour la journée du lendemain. […]
Par Hugo Calkstein
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