Dans l’univers impitoyable du marché de l’art
Avec « Le jardin des délices », Joseph Annet réussit un polar captivant et remarquablement documenté dans un monde de l’art où tout ce qui brille n’est pas or.
Ce soir, à Knokke, le petit monde branché de l’art est en ébullition : la Knokke Art Fair débute et de nombreuses galeries profitent de la présence des collectionneurs pour organiser leur vernissage. Comme chaque été, elles redoublent d’activité pour capter leurs clients séjournant dans la cité balnéaire. Chez Babbel, une des plus anciennes galeries de la place, on ne fait pas exception à la règle. Tandis qu’un orage éclate à l’extérieur, Béa Babbel, propriétaire des lieux, accueille les invités avec plateau de champagne et zakouskis.
Parmi ceux qui se pressent à l’événement, Isabelle Derocourt espère bien y trouver matière à alimenter son blog, Art is Life. D’autant que l’artiste mis à l’honneur n’est autre que Geerd Gaste, l’un des noms qui comptent dans le milieu de l’art actuel. Entre ses nouvelles oeuvres et le beau monde réuni sur place, la journaliste s’attend à pouvoir glaner quelques infos croustillantes susceptibles de lui ramener des lecteurs. Mais ce qui se passe ce soir dépasse toutes ses espérances. Tandis que le vernissage se déroule tranquillement, elle repère l’artiste et va le saluer, convenant d’une petite interview dans la soirée. Mais quelques minutes plus tard, alors qu’elle discute avec la galeriste, Geerd Gaste déboule, furieux. En faisant le tour de l’expo, il vient de découvrir… un faux !
Tentant de le canaliser, Béa Babbel, son frère Boris et son mari Patrick Van Helsen l’entraînent à l’écart et tentent de comprendre ce qui se passe. Mais l’artiste n’en démord pas : l’un des tableaux exposés n’est pas de sa main. Accompagnant le petit groupe en émoi, la journaliste leur présente l’homme qui l’accompagne depuis le début de la soirée et qui pourrait bien leur être utile : Max Kevlar, détective privé, spécialisé dans les œuvres d’art. Et voici ce dernier embarqué, à son corps défendant, dans une nouvelle enquête. Et ce, alors qu’il est déjà empêtré dans une sinistre affaire de trafic d’êtres humains où il tente de venir en aide à une jeune réfugiée tombée dans les mains de souteneurs.
Tous les coups sont permis
Avec une évidente connaissance du milieu de l’art, Joseph Annet nous entraîne dans une enquête qui lui permet surtout de nous faire découvrir tous les rouages d’un monde où les meilleures réputations peuvent s’écrouler suite à un scandale, où les familles se déchirent dès qu’il est question de succession et où les artistes cachent parfois de noirs secrets. Pour les Babbel, cette affaire est une véritable catastrophe. Vérification faite, il s’avère en effet que le tableau est bien un faux. Et tout le monde s’y est laissé prendre.
En commençant à chercher qui pourrait bien avoir introduit ce faux dans l’exposition, Max Kevlar va plonger au cœur d’un marché de l’art où tous les coups sont permis. Remarquablement documenté (le détective a pour collaboratrice… une documentaliste du Soir), l’auteur évite les clichés et approximations habituelles, multiplie les références judicieuses à de nombreux artistes bien réels, démonte le système des réseaux de galeries internationales, explique le fonctionnement de la fabrique de faux installée dans la petite ville chinoise de Dafen et… multiplie les pistes permettant de comprendre à qui pourrait bien profiter cette affaire. Si l’ensemble connaît quelques petits dérapages, voilà un polar belge actuel, vivant et plein d’enseignements sur un monde peu connu du grand public.
Article signé Jean-Marie Wynants pour Le Soir, 21/9/24
« Le Jardin des délices » de Joseph Annet est disponible en librairie et sur notre e-shop :