Cinq histoires de bêtes, la vie intime des animaux par un amoureux de la nature

Dans Cinq histoires de bêtes, qui fut le plus grand succès de sa carrière, Adrien de Prémorel nous communique sa passion pour les animaux au travers d’histoires qui érigent en aventures, qui explorent et qui questionnent aussi le quotidien de ces bêtes qu’il nous arrive de côtoyer, de près ou de loin, à divers moments de notre vie.

De l’émerveillement que lui procurent au quotidien les différentes manifestations de la nature, Adrien de Prémorel retient des instants qui lui inspirent l’écriture de ses contes. Les péripéties d’un renard, la vie d’une hulotte, la naissance d’un faon, qui devient cerf sous nos yeux, sont tant de moments relatés parmi d’autres. Des moments qui, généralement, nous échappent. Adrien de Prémorel parvient à les romancer, à leur donner une saveur toute particulière, dans une émotion passionnée qui traduit son amour vrai de la nature et des animaux.

Un hommage à la faune et à la flore

Son écriture, très riche et usant de termes précis, lui permet de nous transmettre la connaissance fine des comportements animaliers acquise tout au long de son existence de promeneur invétéré des forêts d’Ardenne et de Gaume, mais aussi de chasseur, qui n’est pas contradictoire avec la bienveillance sincère, naturelle, qu’il éprouve pour toute la faune des bois. La flore retient également son attention dans ce qu’elle peut receler d’envoûtant et aussi de mystérieux, comme lorsqu’il aborde à différents moments la question de ces grands arbres, pluriséculaires, auxquels les hommes ont voué des croyances et des cultes spontanés et ininterrompus pendant des millénaires.
L’auteur a l’habitude de prendre des larges perspectives, d’aborder le singulier dans l’immensité et la vastitude des espaces et du temps. Le renard ou le cerf que nous croisons n’évolue-t-il pas, lui aussi, tout comme nous, dans ce monde ? N’est-il pas, lui aussi, un produit de l’évolution, le digne héritier de lignées ancestrales de maîtres des bois qui auraient pu croiser, en leurs temps, nos propres ancêtres ? Ces points de vue fascinants révèlent l’ampleur de la réflexion de l’auteur, admirateur de toutes les manifestations diverses de la vie.

Dans ces histoires, toute la nuit, du crépuscule jusqu’à l’aube nouvelle, la forêt s’agite, foisonne de vie. La hulotte hulule, le cerf brâme à l’automne, le renard se faufile, les animaux se déplacent et créent une émulation nocturne, parfois inquiétante. Les dangers sont nombreux, les épreuves parfois pénibles, les cris, les bruits, résonnent comme des alertes ou comme des appels. Qui nous parle ? Que disent-ils, à nous, et entre eux ?

Les hirondelles comme « messagères du soleil »

Les oiseaux ont la part belle dans cet ouvrage, et l’on sait que l’auteur leur avait déjà, auparavant, consacré plusieurs livres. Le colvert, la hulotte et l’hirondelle ont été choisis pour incarner le volet ornithologique de ce recueil de contes. Dans l’extrait qui suit, l’auteur décrit le rassemblement des hirondelles à l’approche de l’hiver, à la veille de leur grande migration. Qui n’a jamais assisté à ce moment si particulier, preuve indéniable de l’arrivée prochaine de l’automne et, par-derrière, de son successeur hivernal ?
Celles qu’il nomme dans ce conte les messagères du soleil, il aimerait parler leur langage, comprendre ce qu’elles disent pour établir un contact, dialoguer, et s’inspirer humblement de leur expérience de grandes voyageuses :
« Le long des fils téléphoniques, au faîte des toits, sur les chéneaux de l’église, se tinrent de bruyantes assemblées. D’innombrables orateurs y gazouillaient à qui mieux mieux. Parfois, les futures exilées s’exclamaient toutes ensemble, et le bruit faisait lever la tête aux hommes des chemins. Que disaient-elles ? […] Était-il question de fixer le jour du voyage, d’en discuter l’imminence ? N’étaient-elles pas, plus simplement, ces réunions tumultueuses, le groupement pour l’envol, un faux départ causé par la faiblesse des jeunes, l’attachement des anciens au pays de leurs amours ? Quoi qu’il en fût, leur dislocation mettait sur l’aile des bandes qui, de plus en plus nombreuses, sillonnaient le ciel. »

Y a-t-il de plus beau, de plus pur moment dans la vie, que celui où l’on peut tout-à-coup être enchanté et transporté par le simple envol des hirondelles, qui nous rappellent le caractère cyclique de la vie naturelle, avec son message d’espoir en un recommencement toujours envisageable ?
L’observateur privilégié de la vie des animaux nous livre sa vision personnelle de la nature, dans son abondance et sa richesse d’expression au travers de Cinq histoires de bêtes (pour mes cinq fils). Une œuvre remarquable, remaniée et commentée tout le long par son petit-fils Georges Merzbach, qui prend place au sein de la prestigieuse collection Regains.

Louis Mores

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