La déclaration du juste
Xavier Deutsch
Aux Éditions du Sablon nouvellement créées, paraît « La déclaration du juste » de Xavier Deutsch. Un récit surprenant, au ton merveilleusement sobre, visionnaire et profondément optimiste. Peut-être même, par les temps qui courent, un livre nécessaire. L’un de ceux qui nous évitent de vaciller et nous confortent dans l’espoir.
Poil est un vieillard, bien loin déjà sur le chemin de sa vie. Pourtant, malgré son âge, il accepte la mission qui lui est confiée : conduire Anton, un tout jeune garçon, à un village appelé La Cedebal. C’est là qu’un certain Cisco le demande avec instance, tant il espère que les dispositions surnaturelles de l’enfant pourront lui apporter, avant qu’il ne quitte cette vie, les réponses aux questions qui le taraudent.
Au rythme des pas du vieillard et de l’enfant, au gré de leurs rencontres, dans l’épaisseur de leurs impressions et de leurs réflexions, de leurs silences aussi, Xavier Deutsch tisse une fable visionnaire et lumineuse. Et où se mêlent réalisme magique, fantastique et optimisme. Une plume sobre et sublime qui évoque par moments les univers géniaux de Gabriel Garcia Márquez, Conrad Detrez, voire même de Jean Ray. À cette différence qu’ici, il n’est question que de bienveillance. Nul mauvais ne hante le récit. Seules les références au passé illustrent combien le monde a changé et jouit désormais d’une rédemption acquise, certes, au prix d’une guerre.
Nous voici en 2087. Dans le monde « d’après ». Celui où l’électricité est produite par le mouvement des arbres… Un monde apaisé et sans bruit où les êtres, les éléments, les parfums et les sons ont retrouvé une densité et une place intenses, simples et belles. Un monde où chaque détail prend une dimension étincelante, importante et poétique. Le monde du réel, enfin restitué.
Mais ce monde, après quoi vient-il ? Il est né d’une guerre conduite pour mettre fin au monde malmené, maltraité et abruti par le bruit et la surexploitation acharnée ; le monde de l’inutile, intoxiqué de virtuel et de ce qui n’existe pas. Un monde dont le non-sens a conduit à une désastreuse impasse.
Le thème de l’itinérance et son corollaire d’intériorité n’ont pas ici vocation initiatique. L’enfant est prétexte à une lente maïeutique, un accouchement de l’esprit. De la part de Poil d’abord dont le regard critique, sévère mais juste qu’il porte sur le passé -notre temps- nous permet de nous projeter dans l’avenir, nous laissant entrevoir la possibilité, bien réelle, d’accoucher à notre tour d’un monde meilleur. Mais l’aboutissement de cette pérégrination, c’est aussi la permission faite à Poil par l’enfant de se révéler, sans jugement en contrepartie. Optimisme et bienveillance donc, jusqu’au point final.
Avec ce récit que l’on déguste avec ravissement, les Éditions du Sablon ne pouvaient trouver plus belle manière de voir le jour !
Baudouin Delaite
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