Christian Joosten rejoint les plumes de Noir Corbeau
Le Roi de la Forêt est votre premier roman policier. Pourquoi ce genre en particulier ?
C’est un genre de littérature, comme lecteur, vers lequel je retourne régulièrement. J’apprécie surtout les polars nordiques ou le regretté Philip Kerr. L’idée d’une enquête autour d’un crime « banal » comme dans les livres de Indriðason permet de développer plus l’ambiance ou le personnage que dans une « saga » à rebondissements ; l’enquête devenant parfois même le prétexte à l’histoire du personnage principal.
Mon amour pour Philip Kerr tient au fait d’une profusion de détails, d’anecdotes qui font de l’inspecteur Bernie Gunther, le reflet d’une époque. C’est plus un roman, c’est un livre d’histoire.
Vresse-sur-Semois et la forêt d’Ardenne constituent le cadre principal de votre roman. Qu’est-ce qui vous fascine dans cette région et en quoi ses caractéristiques favorisent-elles le développement d’une intrigue policière ?
Je pense qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour comprendre l’attrait que peut avoir l’Ardenne. Les grandes forêts où la lumière parfois se perd, des vallées qui serpentent au gré des rivières, des villes accrochées aux pontons rocheux… Cet environnement difficile, rude, crée un cadre et un mode de vie plus particulier, moins expansifs que dans d’autres régions. Et puis il y a les odeurs, surtout quand la pluie est passée ou le bruit des branches qui s’entrechoquent. En Ardenne, vos sens sont influencés par votre environnement direct. Cela donne un contact privilégié avec la nature. C’est dès lors pour moi motivant de placer un personnage dans un tel cadre.
Quant à Vresse-sur-Semois, c’est parce que j’y ai des attaches sentimentales. Mon grand-père, dans les années 60, a été propriétaire de l’hôtel « l’Eau Vive ». Dans mon roman, j’ai modifié le nom en « le Vivier » pour un petit hommage. J’allais là-bas étant enfant et j’en garde de bons souvenirs. D’ailleurs, quand nous sommes dans la région, nous passons revoir l’endroit, mon épouse et moi. Quand s’est posée la question de la localisation de mon histoire, Vresse et les communes alentour étaient comme une évidence. Maintenant attention, « mon » Vresse n’est pas l’exacte réplique de la réalité ; c’est ce qu’on appelle la liberté de l’auteur.
Comment votre passion pour la photographie a-t-elle pu vous servir dans la création des scènes et des ambiances de votre livre ?
Une photo, c’est un instantané d’une ambiance, d’une couleur… Un peu comme quand on plante un décor dans un roman. C’est d’ailleurs pour cette raison que je m’intéresse surtout à des détails plutôt qu’à des vues d’ensemble.
Mais cet intérêt pour la photo est né d’une autre passion qu’est celle du football américain. Il y a quelques années de ça, j’ai commencé à photographier mon club fétiche, les Coal miners de Charleroi. Et plus vous apprenez à faire de bonnes photos, et plus vous avez envie de faire « le cliché » qui fera plaisir aux joueurs.
Votre roman se caractérise par de nombreuses scènes nocturnes. La nuit vous fascine ou facilite-t-elle l’écriture de votre histoire ?
Richard Borhinger a écrit « C’est beau une ville la nuit », et c’est pleinement vrai ! Et puis, quand la nuit est là, les bruits apparaissent différemment aux oreilles et l’imagination fait le reste. La nuit, les éléments extérieurs prennent une telle dimension qu’on se sent parfois petit. Ce n’est pas une fascination, mais plutôt une révélation.
Guillaume Lavallée est un inspecteur au passé trouble. Pourquoi avoir choisi un tel narrateur ?
Tout d’abord, je pense que personne n’est vraiment méchant ou gentil tout le temps. On est tous, à un moment donné, face à des décisions dont on ne mesure pas toujours les conséquences. Guillaume Lavallée a fait un choix et il assume, ou plutôt « vit avec ». C’est un peu comme une boule de neige qui a grossi avec le temps et qui finit par se briser avec des dégâts bien plus grands. À partir de ce moment-là, il peut avoir tous les remords qu’il veut, c’est surtout l’amertume qui devient le moteur de sa vie, tout en ne regrettant rien. Une telle personnalité fait qu’on s’y accroche, qu’on espère une rédemption… et c’est une très belle matière à exploiter pour des histoires.
À l’issue de votre roman, on ne sait pas quel avenir vous réservez à votre personnage principal, mais vous avez annoncé à votre éditeur une suite à ce premier roman. Le lecteur peut-il espérer retrouver ce personnage intrigant dans votre prochain polar ?
Certainement. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je m’y suis attaché et j’ai envie de voir jusqu’où sa vie le mènera. Vous ne sèmerez pas Guillaume Lavallée aussi facilement. J’espère qu’il vous poursuivra longtemps encore.
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