Quand deux mémoires s’enroulent… – Le Carnet et les Instants
Le roman de Geneviève Mairesse est au cœur d’une nouvelle publication dans Le Carnet et les Instants.
Il y a des titres qui en disent long. Celui du premier roman que Geneviève Mairesse publie dans la collection « Les plumes du coq » des éditions Weyrich, Les mémoires enroulées, appartient à cette catégorie. Le récit se déroule sur quatre époques : les années ’30, ’70, ’90 ainsi qu’en 2016, le temps que l’on imagine être celui de l’écriture.
Ce qui aurait pu être le roman d’une jeune Belge déportée pour faits de résistance durant la seconde Guerre mondiale devient le roman de la recherche menée par la petite-nièce de cette femme pour savoir ce qui lui est arrivé en ces périodes sombres et éprouvantes.
L’auteure s’en explique dans le livre même :
J’ai écrit à propos de la vie d’une jeune femme autonome, remplie d’envies de liberté, de joie, de fête, de libération, de risques aussi, et qui a vu sa vie basculer quand la guerre a éclaté.
(…) J’ai écrit pour installer une justesse, des nuances, des doutes, des secrets qui ne seront jamais dits à défaut de n’avoir pas pu les garder.
J’ai écrit parce que sa survivance est empreinte de liberté. Et la liberté, c’est connaître ses chaînes pour mieux s’en séparer.
L’histoire entremêle quatre générations de femmes autour de cette destinée unique à propos de laquelle la protagoniste principale s’était toujours voulue discrète. C’est de ces non-dits que s’est nourrie la narration de Geneviève Mairesse. Pour éclairer et éclaircir son propos, elle mène l’enquête au Service des victimes de la guerre, près de la gare du Midi, retrace l’histoire des Fonderies Bruxelloises à Buda, près de Vilvorde, nous rappelle que l’Hôtel Métropole était réquisitionné par les Allemands sous l’Occupation… Avec elle, nous découvrons sous un regard nouveau des lieux qui font encore notre quotidien. Quand cette grand-tante, Suzanne Hubeau, 32 ans, est arrêtée par la Gestapo, sa vie bascule. Siège de la Gestapo avenue Louise, prison de Forest, forteresse de Schwäbisch-Gmünd et le retour au pays d’une revenante au corps étique, meurtri, exsangue. Ces souffrances apparaissent peu à peu sous les mots de la narratrice-auteure, mais celle-ci enfant en avait une sorte de préscience à travers ses rêves sombres et des indices corporels qui, toujours, ont suscité un malaise chez elle, comme elle s’en explique :
Les recherches documentaires, objectives, soulèvent de nouvelles questions. Je sollicite alors certains membres de la famille et une sensation de malaise apparaît imperceptiblement. Une impression de décalage entre ce que je perçois de sa vie, sans la connaître, et les expériences diverses vécues par ceux et celles qui l’ont côtoyée. Une sorte de distorsion d’une réalité que la génération suivante n’a pas pu intégrer. J’entends parfois quelques reproches à son encontre. Qu’elle a été trop imprudente, trop bavarde, trop excessive dans son comportement d’anti…
Des « trop » et des « pas assez » que je n’accepte pas. Qui réveillent en moi quelque chose de l’ordre de l’injuste alors que je recherche la « justesse ».
Nous découvrons avec effarement les pathologies concentrationnaires dont souffre Suzanne alors que celle-ci, à la Libération, se sent incomprise, peu soutenue, voire jugée. La zone de non-dits s’épaissit autour d’elle, augmentant d’autant ses souffrances. Poursuivant ses recherches, la narratrice découvre quel parcours du combattant (de la combattante devrions-nous écrire) fut le sien pour être reconnue en tant que Prisonnière Politique. […]
Michel Torrekens
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