Y a-t-il une école belge du polar ?

Histoire d’un drôle de genre…

De la detective story au roman noir, du hard boiled au roman à énigme et du thriller au roman criminel, le « policier » continue de passionner, d’enchanter, de séduire. Depuis le premier roman policier belge paru en 1901 jusqu’à aujourd’hui, cette Petite histoire du roman policier belge de Christian Libens enquête sur la piste de nos « écrivains criminels », qu’ils habitent au 21 comme Steeman, ou qu’ils fréquentent le pendu de Saint-Pholien comme Simenon. Ou encore qu’ils se fassent maintenant appeler Baronian, Monfils, Fonteneau, Delperdange, Abel ou Colize… Filons-les !

Extraits

Belgian’s detectives

Les spécialistes, collectionneurs et autres enquêteurs de brocantes aux bouquins ont déniché, parmi des pairs sans doute perdus à jamais, quelques authentiques pionniers du polar en ce royaume ; on cite ainsi comme premier roman policier belge, Maître Deforges, écrit par de jeunes avocats bruxellois et publié par Larcier en 1901. Dans un article publié dans Le Carnet et les Instants (n°191), l’amateur érudit qu’est Jean-Louis Étienne décrit cette œuvre collective comme « une intrigue ingénieuse et une évocation précise du monde judiciaire et de la bourgeoisie de l’époque ». Parmi d’autres Belges rescapés des temps héroïques, on pourra citer, à l’imitation des professeurs Dubois, Thoveron, Lits ou Aron, quelques artisans inspirés par leurs britanniques devanciers ; ainsi le magistrat Firmin Van den Bosch, qui publie en 1904 Le crime de Luxhoven avec en sous-titre « roman judiciaire », ou Hector Fleischmann, dont Le rival de Sherlock Holmes publié chez Albin Michel en 1908 peut être considéré comme un des tout premiers titres d’un sous-genre des plus prisés aujourd’hui encore, le pastiche holmésien. Ou cette trouvaille que Guy Delhasse épingle dans un essai récent : Les mouches d’or, de Rodolphe de Warsage, un « roman policier », ainsi mentionné sur sa loquace et orangée couverture qui ajoute : « une aventure de G. G. Brodery, avocat-détective ». Ces Mouches d’or éclosent en 1918 dans les ateliers de Bénard à Liège, ceux-là mêmes auxquels un certain Georges Sim (comme signait alors le jeune reporter Simenon dans la Gazette de Liège) confiera deux ans plus tard son premier opus, Au pont des Arches. Simenon n’a que dix-sept ans et son livre, qu’il qualifie lui-même en sous-titre de Petit roman humoristique de mœurs liégeoises, n’a encore rien du genre policier. Quant à Steeman, né lui aussi à Liège (mais en 1908, soit cinq ans après son futur confrère), il a déjà quitté la Cité ardente pour Anvers d’abord, puis Bruxelles. Ainsi les deux plus grands auteurs belges de romans policiers sont tous deux natifs d’un même lieu à une même époque, voilà qui est tout de même étrange, ou bizarre, non ?

Une école belge ?

Simenon et Steeman, Maigret et Wens… Le roman policier en Belgique francophone se résumerait-il à ces seuls noms ? Pour Luc Dellisse, dont l’excellent essai Le Policier fantôme datant de 1984 a reparu dans la collection Espace Nord (n°356) dans une édition revue et augmentée (e.a. d’un précieux Répertoire alphabétique des auteurs dû à Patrick Moens), il convient d’en ajouter une douzaine d’autres, depuis Jean Ray dans l’Entre-deux guerres (avec Harry Dickson, le « Sherlock Holmes américain », aux aventures plus fantastiques que policières) jusqu’à Barbara Abel aujourd’hui. Et Dellisse de citer, au fil des décennies d’un petit siècle : Max Servais, Louis-Thomas Jurdant, Thomas Owen, André-Paul Duchâteau, Jean-Baptiste Baronian (alias Alexandre Lous), Paul Couturiau (alias Dulle Griet), Alain Berenboom, Nadine Monfils, Pascale Fonteneau, Patrick Delperdange… Auxquels il convient sans doute d’ajouter Xavier Hanotte, Paul Colize, Michel Claise et quelques autres, mais nous y reviendrons. Y aurait-il donc une école belge du polar ? Dans Les maîtres du roman policier, un guide encyclopédique paru chez Bordas en 1991, le Français Robert Deleuse affirmait : « Le jour où l’on décidera de s’atteler de façon sérieuse à une étude sur le roman policier européen (qui existe), nous constaterons de manière évidente, qu’à côté des chapitres français et anglais, le roman belge saura tenir son rang. » Oui, mais voilà… Tous les essayistes belges contredisent peu ou prou ce joli compliment, préférant réduire cette « école » à un seul momentum, à un unique âge d’or : les années d’Occupation !

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