Paris libéré !

Le 21 août 1944, la 2e Division Blindée est stationnée devant Argentan. Les Français libres du général Philippe Leclerc rongent leur frein. Après le débarquement du 6 juin 1944, se joue une lutte politique pour la reconnaissance du général Charles de Gaulle et de son Gouvernement Provisoire de la République française (GPRF) comme seul interlocuteur des Alliés.

Suite à l’opération Overlord (Suzerain), Charles de Gaulle n’entend pas que la France soit vassalisée et connaisse de nouveau une force d’occupation étrangère. Cette restauration de la fierté nationale et de l’unité de la Nation passe par Paris. Le général confie la mission impérative à Leclerc de rentrer le premier dans la capitale et de recevoir la capitulation de la garnison allemande. Il est nommé gouverneur de Paris par anticipation. Une lourde responsabilité pèse sur ses épaules : celle de faire pleinement entrer la France dans le camp des vainqueurs. Au-delà des combats et opérations militaires, la libération de Paris revêt une dimension politique fondatrice de la France de l’après-guerre.

Les préparatifs (1943-1944)

Le 30 décembre 1943 à Alger, le général de Gaulle reçoit le général Eisenhower à la villa des Glycines. Le général américain est sur le départ. Il vient d’apprendre qu’il doit prendre le commandement des opérations du front nord, dont le point d’orgue doit être le débarquement des Alliés en Europe du Nord. Le maréchal Staline réclame à corps et à cris la création d’un nouveau front pour soulager l’armée Rouge. Ike vient saluer le représentant de la France Libre. Rapidement, le dialogue s’oriente vers les combats à venir. Je tiens à vous dire, souligne diplomatiquement le Grand Charles, tout le plaisir que nous, Français, éprouvons à vous voir prendre le commandement qui vient de vous être confié. Les opérations que vous allez avoir à diriger en France sont vitales pour mon pays. Il ajoute : Pour ce qui est des forces françaises, mon souci constant est celui-ci : qu’elles soient prêtes toutes et à temps. Ike rassure le général de Gaulle sur ses intentions : En ce qui concerne les divisions françaises à organiser, il me semble qu’il vaut mieux avoir une division complètement organisée que plusieurs qui le soient mal. Le général de Gaulle acquiesce : Oui ! Mais il nous faut au moins une division française en Angleterre. Or, nos divisions d’infanterie comprennent de nombreux indigènes et les Anglais feront opposition à leur présence. Au contraire, nos divisions blindées sont composées essentiellement d’éléments français.

Cet échange scelle le destin de la 2e Division Blindée (DB). Dans la grande coalition des nations contre le nazisme, la question de la composition raciale de la troupe apparaît comme un élément sensible. Il reste au général de Gaulle à s’assurer que la prise de la capitale ne se fera pas sans les représentants de la France Libre. Il en fait un enjeu de souveraineté nationale à restaurer : Je vous le répète, insiste le général de division français, n’arrivez pas à Paris sans troupes françaises. Et Eisenhower de promettre : Soyez certain que je n’imagine pas d’entrer à Paris sans vos troupes. Le futur commandant interallié s’est engagé sur ce point, mais encore faut-il que le contexte du moment lui permette d’honorer sa promesse. Le général de Gaulle prend quelques assurances. Nous ferons tout pour vous aider. Quand une difficulté surgira, je vous prie de me faire confiance et de prendre contact avec moi. Par exemple, je prévois déjà – et vous aussi – que c’est cela qu’il faudra faire quand se posera sur le terrain la question de Paris. Ike conclut : Pour la prochaine campagne de France, j’aurai besoin de votre appui, du concours de vos fonctionnaires, du soutien de l’opinion française. Je ne sais encore quelle position théorique mon gouvernement me prescrira de prendre dans mes rapports avec vous. Mais, en dehors des principes, il y a les faits. Je tiens à vous dire que, dans les faits, je ne connaîtrai en France d’autre autorité que la vôtre. Le décor du futur théâtre des opérations est planté. Encore faut-il que les acteurs et les circonstances permettent la pleine expression du scénario imaginé.

[…]

Christophe Lafaye

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