Le Printemps du livre, une belle réussite !

Philippe REMY-WILKIN signe un article élogieux pour le site Karoo sur Le Printemps du livre, événement littéraire organisé le 27 novembre dernier.

Le Printemps du livre
un must !

Le mardi 27 novembre, j’ai assisté à une première très réussie, Le Printemps du livre, mis en place par quatre maisons d’édition, dans un partenariat assez inédit.

Le défi des mousquetaires ?

Placer les auteurs, les éditeurs, les directeurs de collection face aux gens de la presse, des blogs et plateformes, de la librairie, des instances pour présenter leurs prochaines publications (de février à avril 2019 ici, ce qui nous mène au… printemps). Il est vrai que, dans le flux asphyxiant des sorties (un livre doit être choisi au milieu de centaines de ses semblables venus du monde entier et la rotation est vertigineuse), un reporter culturel ou un responsable de librairie (Club était représenté) peuvent être amenés à davantage de curiosité, de soutien vis-à-vis d’acteurs incarnés, écoutés, visualisés ou contactés.

Le programme

Dès 10 h 30, accueil cordial par Charlotte Heymans, l’attachée de presse des Impressions Nouvelles, et sa collègue Isabelle Fagot (ONLIT, etc.). Il y a du monde et du beau monde à la Maison européenne des auteurs et des autrices, à deux pas de la place Stéphanie et de l’avenue Louise. On ne citera personne vu les égos de tout un chacun et je ne pourrais qu’oublier des noms ou amenuiser des importances.

Vers 11 heures, on entre dans le cœur du sujet. Deux heures de découverte/présentation, du haut niveau, avec des plateaux équilibrés : 4 x 3 personnes, 4 x 30 minutes. Un peu long ? Oui, mais comment y échapper ? Réduire le temps imparti à chaque maison ? Possible, soit, mais, intrinsèquement, trente minutes pour un éditeur et sa philosophie, ses projets, ses sorties, ses collections, la plongée dans telle ou telle œuvre, la découverte de l’un(e) ou l’autre de ses auteurs-autrices, ce n’est pas énorme, non.

Dès 13 heures, collation de qualité et discussions variées. Retrouvailles et trouvailles. Je peux ENFIN discuter avec trois admirations virtuelles : Véronique Bergen, Marcel Selou Tanguy Habrand. Et recevoir mon package/joli sac de Noël (qui unit publications et maquettes).

Une réflexion, en surplomb

Comment croire en vous si vous ne croyez pas et n’investissez pas vous-même en vous ? Nos éditeurs sont parfois/souvent bien pusillanimes en Belgique francophone, considérant achevé leur travail une fois le livre imprimé, le laissant dériver au gré des ondes.

Il faut donc OSER ! TOUS ! À nos diverses positions.

Et ceux-celles-là s’y sont attelés. Leur initiative est originale et dynamique. Il y avait même un air de Paris mais dans le meilleur sens du terme. Qui plus est, ils-elles veulent récidiver, transformer le happening en un must annuel.

BRAVO !

Retour sur les intervenants et les livres évoqués

Olivier Weyrich (Weyrich) se trouvait en compagnie de Ziska Larouge et de Jean-François Füeg.

Jean-François Fuëg, Notre été 82, récit, 125 pages.

Au premier abord, avec sa barbe et sa moustache ouvragées, son costume scabinal, une certaine affirmation corporelle, un bagout, cet homme, responsable de nos bibliothèques et centres culturels, interpelle. Quant au pitch, découvert dans le livret éditorial, il renvoie à des souvenirs de jeunesse. Je ne prise guère l’autofiction, où ne brillent que de très rares auteurs-autrices, mais mon attention est vite requise, l’orateur est vivant, émouvant, d’une sincérité rare et peu politiquement correcte. Du coup, j’entame son ouvrage dès le lendemain de la rencontre. Ce qui en dit long, au passage, sur le sens/intérêt du happening.

In fine, le livre ressemble à sa présentation. La langue est simple mais vivante, l’évocation sans fard :

« Né dans une famille qui avait déclaré la guerre à toute forme de sentimentalisme, j’étais sans cesse submergé par une émotivité maladroite que je peinais à contrôler. Il n’y avait là aucune ostentation, je ne pleurais pas et ne manifestais jamais d’émotion. En revanche, j’étais frénétiquement en recherche de relations chaudes, je voulais avoir des amis proches et, romantiquement, j’imaginais une complicité qui demeurerait toute la vie. »

J’ai entamé dans la bonne humeur et la nostalgie, renforcée par les citations musicales d’époque (NDLA : j’ai pareillement plané avec Wish You Were Here des Pink Floyd, vécu la scission Genesis/Peter Gabriel comme un événement copernicien, etc.). Les pages défilent. Puis, d’un coup, je pause, la restitution a tendance à émasculer la narration, je m’interroge sur l’enjeu d’une telle autobiographie…

quand soudain…

… s’insinue le point d’acmé de l’opus !

De quoi s’agit-il ? D’un dérapage de notre auteur-narrateur. Qui va le mener à trahir un ami, à en mener d’autres dans une dérive sordide, à échapper à ce qu’il croira alors une tentative de meurtre-vendetta. Là, Füeg émeut et crée du sens, un sens qui revigore l’ensemble du récit et lui apporte une tension bienvenue.

Il est rare qu’un homme, qui plus est un homme rompu aux responsabilités, à la direction, ait le courage de baisser le bouclier et d’oser le voyage à rebours en toute lucidité, dans la remise en question de ses propres jugements, la hauteur éthique d’avouer ses blessures, ses pertes (l’appartenance à une bande, un clan ; les fusions adolescentes), ses erreurs et leurs conséquences, de stigmatiser ses limites tout en les resituant dans un contexte (famille, premières amours…).

Il y a de la démarche psychanalytique dans cette manière de coucher sur papier les racines d’un devenir. Et une belle leçon philosophique !

Ziska Larouge, Hôtel Paerels, roman, 205 pages.

Encore un livre à l’écriture simple et vivante. Quoique. Il y a ici un registre littéraire plus affirmé, le naturel confondant s’imbrique dans un véritable travail sur la fluidité des phrases, leur rythme, leur percussion :

« Comme Paris ne me retient plus, j’ai annulé ma réservation à l’auberge internationale des jeunes pour tester mon invisibilité dans le Thalys qui me ramène à Bruxelles. Et ça marche ! Il est vrai que j’ai remédié à mon problème pileux en me rasant dans les toilettes après avoir acheté des rasoirs jetables à la gare et que, quand je suis « éteint », j’ai un physique plutôt banal. Mon prof de théâtre me l’a assez répété : « Luce, vous êtes sur off ! Activez le bouton on ! Il faut de la lumière dans l’attitude quand on est ordinaire ! » Là, c’est sûr, je suis éteint. »

Luce (nom du narrateur). Lux en latin = lumière. Lumière/éteint. On/off. Indiciel, isnt’it ?

Le pitch ? Les aventures d’un jeune apprenti-comédien qui rate un casting à Paris mais y croise la femme de sa vie, perd ses coordonnées, se retrouve à Ostende au fil de dérives picaresques, y rencontre un couple de jeunes filles qui l’emmènent dans leurs bagages, jusqu’à lui dénicher un boulot dans un hôtel art déco, se voit rejoint ensuite par le petit frère qu’il élève depuis la mort tragique de leurs parents puis par une grand-mère atteinte d’Alzheimer, tous deux en cavale (évadés de l’école ou d’un home). Et tout ce petit monde de recomposer une famille, un microcosme, de tendre vers de nouveaux équilibres quand déboule une intrigue policière sur fond de mafia roumaine, de magot dérobé, de migrants asphyxiés, d’enlèvements, etc.

Un sacré embrouillamini ? Oui ! Qui sent un peu l’improvisation, la création au jour le jour des feuilletonistes du XIXe siècle ou des auteurs de BD des années 1930-1940, qui fait plutôt Beatles période rouge (brute de décoffrage) que bleue (sophistiquée). Oui. D’autant qu’il y a des rebondissements en cascade, dans tous les sens, des relations amoureuses aux circonstances de la mort des parents, en passant par l’intrigue criminelle. Et je suis pris à rebrousse-poil, assurément, moi qui ne jure que par les architectures savamment orchestrées. Mais. C’est une belle leçon ! Un retour au cri primal de la narration et de l’écriture. Le conteur qui invente au coin du feu. Il y a chez Ziska Larouge (NDLA : ce pseudonyme ne renvoie pas à une passion pour la gauche mais pour la couleur !) une incroyable verve, une spontanéité, une naïveté (au sens le plus noble du terme) qui emballent. À défaut de travailler en amont, elle travaille en aval, vivant et malaxant ce qu’elle écrit, raconte avec un formidable enthousiasme… et du talent !

Bref, bref, bref… On ne s’ennuie jamais, on lit rapidement mais avec un plaisir accoudé au mouvement des mots, des phrases, ému par un humanisme contagieux (qui rappelle Pennac).

[…]

Philippe REMY-WILKIN

Envie de découvrir la suite de l’article ? Vous pouvez vous rendre sur le site de Karoo !

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